# Nos entretiens


N°112 « Le chêne et roseau » (Végétal vol 2 – 2023)

  Nous poursuivons ici le cycle « Végétal ».     L’eau et la terre entretiennent avec la pousse infinie de la vie des arbres des rapports d’amour/haine. Dans ce numéro 112 de Filigranes nous choisissons l’élégie et notre appréhension de la fable de La Fontaine réserve des surprises au lecteur. Celui-ci est appelé à s’identifier aux personnages que La Fontaine a campés pour illustrer un paradoxe : « C’est le plus fort qui est le plus fragile », opposant faiblesse et puissance dans un de ses dialogues ordinaires où il affronte la cour de Louis XIV. La logique serrée de la fable a peut-être éloigné les auteurs. Ont-ils préféré prendre des chemins de traverse plutôt qu’affronter le dénouement qui condamne le chêne à périr ? Ils deviennent ici spectateurs de la nature, se cachent dans les arbres, partagent la vieillesse et la finitude, s’émeuvent du destin qui attend le chêne malgré́ la majesté de son feuillage. Ils se cachent dans ses bras maternels, s’identifient au dieu totémique paternel. Survivent dans ce temps qu’ils espèrent immobile. Ils projettent dans l’écorce, dans les noyaux, dans les pépins, le renouvellement, la fertilité́, la revanche de la vie sur la mort. La sève peut donner l’encre, le calame et la plume l’outil.L’écriture se dessine, en ombre et lumière, dans la profusion de la forêt, et même sur les façades des villes. Plutôt qu’une opposition du plus fort au plus faible on a des épousailles. […]


N°108 « À l’échelle » vol 1 – « Série Focales » 07/21

« À l’échelle » (Focales vol. 1)   « Les yeux, quand ils s’ouvrent, découpent dans le visible comme un ordre du réel » Marc Le Bot (1) Écrire, c’est regarder le monde et ses paysages, c’est ressentir des émotions, imaginer, anticiper, se souvenir, construire et déconstruire, chercher les mots. Écrire, c’est bâtir et, ce faisant, c’est penser. Sur ce constat s’ouvre une nouvelle série pour Filigranes, trois volumes consacrés au terme, polysémique s’il en est, de focales. Aussi, nous voici pour commencer à traiter d’échelles. Plus tard il sera question de champs et de hors-champs, enfin du sujet écrivant, lisant, produisant lequel « tient l’appareil ». o o o   L’écriture comme fabrique est un monde intermédiaire entre le réel et nous, dit Marco Martella 2. Mais ne s’agira-t-il dans ce présent moment de géométrie poétique que de balayer du regard la gamme de nos choix afin d’un peu mieux savoir ce qu’écrire signifie ? Non. Certes, cela nous interroge d’évoquer l’éventail, né souvent du hasard, de toutes ces échelles qui dans l’écriture nous poussent vers le ciel. Le désir nous habite d’identifier  celles qui subtilement nous attachent encore à la terre, qui nous cadrent aussi, voire nous enferment parfois. De comparer, texte à texte, nos manières de prélever des fragments d’histoire de nos vies et, comme au cinéma, les monter. S’ajoutera notre décision de voir le monde tel qu’il est ou feindre de ne pas voir. De comprendre comment à chaque fois, […]


Ukraine / Retour sur Filigranes 65 (2005)

    « Est – Ouest et retour » à Nathalie Ferrier, notre amie si jeune perdue « Rien ne disparaît de ce qui a dû être abandonné  » Henri Wallon Tout a commencé par un pressant défi de Nathalie Ferrier, en poste au Centre Culturel français de Moscou : ce serait bien si les liens déjà tissés entre Moscou et Marseille perduraient dans un autre numéro de Fili (1) ! Faisons mieux connaissance avec nos littératures respectives. Offrons-nous réciproquement des textes d’auteurs auxquels nous tenons, représentant pour nous ce que nous aurions envie de faire savoir aux autres. Et à partir de là, chacun pourrait choisir et écrire en écho, en écart, en voisin ou en étranger. Les textes seraient comme des miroirs où se mirer, se reconnaître autre ou pareil… Les « prétextes  » joueraient le rôle de tremplin, d’apport, d’horizon en trouvant leurs destinataires. Tout cela était bel et bon. Mais Nathalie, sans avis préalable, une mauvaise nuit de novembre, s’en est allée rejoindre les anges… Peut-être de là-bas veille-t-elle encore : le flambeau a été repris et les fils renoués grâce à l’engagement et à l’amicale ténacité de Carole Foullon, qui a tenu envers et contre tout à faire vivre le projet. Alors, elle a battu le rappel et nos lointains correspondants Oleg, Sacha, Olga, Inna, Micha, Sergueï, Irina et les autres – tous francophones et francophiles – se sont mis de la partie et ont envoyé leurs pages […]


Cursives, les entretiens de Filigranes

Fenêtre ouverte sur la vie et les projets des créateurs, Cursives est l’occasion de rencontrer ce que Jean Dubuffet appelle des « Les hommes du commun à l’ouvrage ». La rubrique Cursives s’est imposée à Filigranes dès le numéro vingt-deux. Elle est née du désir de mettre en lumière les réflexions, les motivations, les études et travaux préparatoires qui construisent les textes donnés à lire dans la revue et que ceux-ci ne laissent pas toujours soupçonner. Personne ne peut faire l’économie d’une interrogation sur le sens de son activité dans une société donnée. La raison d’être d’une création, qu’elle relève ou non de l’écriture, réside sans aucun doute dans la conscience que le créateur a de sa propre finitude mais aussi dans le bonheur qu’il peut éprouver à libérer ses rêves, à jouer à sa manière avec le langage, à rencontrer autrui à travers ce qu’il produit et publie… Dans Cursives l’écriture se fait témoignage. Si tout acte de création exige un certain retranchement, une certaine solitude, il est tout autant désir de communiquer, besoin de partager, aspiration de laisser des traces. Cursives répond à cette demande. Son ambition est de contribuer à la mise en patrimoine de ce qui fait la face cachée de l’acte de création, une richesse en filigrane. Si les thèmes traités n’entrent pas toujours en résonance directe avec la problématique du numéro, ils ont en revanche la caractéristique commune de mettre en évidence l’engagement de sujets […]


Serge Plagnol « La peinture, c’est une surface qui interroge la profondeur. »

  Une rencontre avec Serge Plagnol, né en 1951, vivant à Toulon, peintre et ancien professeur à l’école des Beaux-Arts de Nîmes. Il est venu au séminaire de mai2019 de Filigranes en apportant quelques toiles récentes. Après quelques questions comme entrée en matière, nous avons écrit à partir de ses tableaux puis poursuivi l’échange avec lui. Les oeuvres de Serge Plagnol ont été exposées dans différentes galeries et sont visibles sur FB et divers sites   Cursives 103 Serge Plagnol .        


« Je suis née dans une famille italiano-russe où le maître mot était : créer et être soi-même » (Dominique Lombardi)

  « Je suis née dans une famille italiano-russe où le maître mot était : créer et être soi-même » Un entretien avec Dominique Lombardi, écrivaine, journaliste, cinéaste…   C’est dans un tourbillon de pratiques créatives que nous entraine Dominique Lombardi, tour à tour écrivaine, reporter de guerre, cinéaste, musicienne et collection-neuse d’objets de toutes sortes. D’où vient cette « folie créatrice » ? Est-elle conciliable avec une vie d’épouse et de mère ? Le lecteur de Filigranes découvrira au fil de l’entretien ce qui fait lien et qui s’appelle chez Dominique Lombardi « désir de vivre intensément », « rapport à l’autre » et quête de ce que l’Histoire et sa grande hache » (Perec) nous a ravi ».       – 1 – Entre stylisme, journalisme et cinéma Filigranes : Tu as, très jeune, multiplié les activités… Dominique Lombardi : Oui… Autour de 1980, j’ai créé Galène Roucas, une marque de stylisme, ayant été à bonne école avec des parents plasticiens, et aussi parce que j’aimais dessiner ! J’aimais les vêtements originaux. Même si je ne savais pas coudre, j’ai appris sur le tas, je me suis fait des vêtements, ça a plu à des copines. Mais j’ai aussi très vite publié dans les journaux et magazines. Dans Pupitres, d’abord où j’étais rédactrice en chef adjointe. Le mag avait été créé par une copine et s’occupait de la pratique amateur (musique essentiellement classique). Elle cherchait quelqu’un qui ait des notions de musicologie. Dans Le journal du […]


Le tapis à histoires (Centre social /Maison pour tous Saint Mauront – Marseille)

Entretien réalisé le 7 juillet au Centre social /Maison pour tous Saint Mauront Léo Lagrange Méditerranée de la rue Félix Pyat MARSEILLE   Filigranes a rendez-vous aujourd’hui au centre social Léo Lagrange, dans le 3e arrondissement de Marseille, rue Félix Pyat, à deux pas du métro National, pas très loin de l’autoroute qui surplombe le quartier où se juxtaposent maisons anciennes et immeubles plus récents, notamment le siège d’Orange. Dans la cour du centre, une zone a été réservée pour un jardin dont s’occupe Mohamed Barka, oasis de verdure au milieu du béton. Non loin du centre social, un jardin partagé éphémère, appartenant à la Soleam et dont la gestion a été confiée à la Maison Pour Tous St Mauront est entretenu amoureusement par une dizaine de familles du quartier.  En ce début de juillet, il y a des tomates, des courgettes, des aubergines, des haricots, les plants de courge occupent une place imposante. Il y a aussi des fleurs, des plantes aromatiques, et le jardin est équipé de sièges confortables. Mais il fait trop chaud pour rester au jardin et l’entretien se déroule au centre social avec Amande Le Blanc, la responsable du secteur familles du centre, Samia Azizi, conteuse et membre de l’association ACELEM, qui anime l’espace lecture du quartier, et trois personnes qui ont participé à l’aventure du tapis à histoires, Zineb, Sahada et Husna, d’origine maghrébine, comorienne et kenyane. Nana et Fatima, bénévoles responsables de […]


Anne Chiummo, artiste mime

Cursives parus dans le N°98 Dans les parages du mythe « Rejouer le monde »   Je suis née à Marseille, en 1960. Marseille c’est ma ville, c’est toute mon enfance et toute ma vie, jusqu’ à aujourd’hui encore. Sauf, un épisode parisien, de deux années et quelques mois, à la fin des années 80. Le mime était déjà mon métier, et je voulais découvrir de nouvelles pratiques. J’ai notamment fait un stage avec Ludwik Flaszen, cofondateur avec Jerzy Grotowski du Théâtre Laboratoire. Fin des années 90, j’ai créé le Garance Théâtre, une structure pour produire mes spectacles. J’ai choisi Garance par référence au personnage féminin dans Les enfants du paradis de Marcel Carné. C’est un film sur la vie de Jean-Gaspard Debureau, le fameux mime du XIXe siècle et le créateur du Pierrot.   Quelle a été votre première rencontre avec le mime ? Ç’a été une photo. Après le bac, une amie en week-end de stage de mime avec Jacques Durbec, m’a montré une photo d’une fille, le visage maquillée. Ce visage tout blanc a provoqué une émotion. Jacques Durbec avait une compagnie, le Mime Théâtre de Marseille. Je me suis inscrite à ses cours. Il a été mon premier professeur. En 82, j’intègre sa compagnie qui s’installe dans un nouveau lieu, La Nef. Une ancienne église. Au début, je voulais faire de la peinture. C’était pour ça que je m’étais inscrite aux Beaux-Arts de Marseille. Mais j’aimais déjà […]


Thierry Hamy, sculpteur et poète

    Filigranes est allé rencontrer le sculpteur, peintre, calligraphe et poète Thierry Hamy dans son atelier à La Garde (Var), ouvert au public. Nous sommes aussi allés voir la statue monumentale qu’il a réalisée à Bormes-les-Mimosas et les œuvres  des enfants de Signes réalisées sous sa direction. Après une petite enfance au Sénégal, Thierry a presque toujours vécu dans l’agglomération toulonnaise. Mais il a effectué un séjour très marquant à Calcutta chez Mère Teresa  à l’âge de vingt ans, avec des haltes au retour en Israël, en Jordanie et en Égypte, où il a vécu de ses talents de portraitiste et offert ses services à différentes communautés. Au fil de ses expositions et des cours à ses élèves, ainsi que des spectacles associant calligraphie et chanson auxquels il a participé, il a eu  l’occasion de partager cette passion de la beauté qui le fait vivre et c’est de cela qu’il nous a longuement entretenus.     Comment es-tu devenu sculpteur ?   J’ai commencé à faire de la musique dans un groupe de rock à 11 ans. La découverte du yoga et de la méditation à 14 ans m’a conduit à abandonner la musique pour aller vers quelque chose de plus incarné. Le musicien plaque un accord sur un clavier et déjà il voit des couleurs, un monde s’ouvre à lui, une fenêtre vers l’invisible. Allez faire la même chose avec un bout de bois, un caillou ou de […]


Faux semblants – Bernard Joseph

Cet entretien est paru dans Fili N°1.0.1. Filigranes ouvre ses pages à Bernard Joseph pour une carte blanche . C’est le photographe et autodidacte que nous accueillons, mais aussi celui qui a été Président du Centre Régional de la Photographie Nord Pas-de-Calais, de 1998 à 2003. Il est membre de deux collectifs de photographes : « Pour Voir » et « Territoire sensible ». Bernard Joseph a coordonné le numéro de la revue « Sensible » consacré à « l’autoportrait photographique ». Il est l’auteur de Léda, portfolio en écho avec le texte de Paul Eluard, ainsi que Des Visages, un essai photographique sur la déshérence de jeunes adultes (Mission Photo- graphique Transmanche). Les photos qui ornent ce numéro sont extraites des séries Choses (en cours) (p.16) et Les jardins de mon père (p.41) produites en collaboration avec Gisèle Bienne, auteure rémoise. Bernard Joseph va aussi publié Sur les traces de Thomas Bernhard. Il a exposé en France à Douchy les Mines au Centre régional de la photographie ; lors du Printemps culturel du Valenciennois ; et dans le cadre de 160 ans de photographie à l’initiative des conservateurs de musées du Nord-Pas-de-Calais. Mais encore en Grèce à la Photosynkyria à Thessalonique. Il travaille à un projet de portraits axé sur le mulilinguisme des habitants de sa région, Babel des mines avec l’association « Mine de Culture(s) » (Pas-de-Calais). Cursives reprend des planches extraites de Faux semblants, dans les parages de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares. Filigranes l’en remercie […]


Donner une voix à la périphérie / Les littératures post-coloniales – Entretien avec Markus Arnold

Cursives 68 Entretien avec Markus Arnold   Qui êtes-vous, Markus Arnold ? Markus Arnold : J’ai 26 ans. Je suis pour 2 ans lecteur d’allemand à l’école normale supérieure de Lyon. J’ai fait des études de philologie romane et de lettres anglais en Allemagne et suis actuellement en thèse de littérature comparée. A Lyon, je travaille entre autres avec des étudiants qui se préparent à l’agrégation et sont censés être très forts en allemand ! Filigranes : Pourquoi as-tu un jour décidé d’apprendre le français ? MA : D’abord par nécessité scolaire, il me fallait une troisième langue au lycée, puis par goût. Au-delà de l’aspect linguistique, il y a la civilisation, la culture, les échanges que j’ai connus vers l’âge de quinze ou seize ans : mes premiers vrais contacts en tant qu’individu, sans commune mesure avec les voyages en famille, les films, les médias. Passer sept semaines en France, sac à dos, tout seul, faire du stop, dormir dans les auberges de jeunesse, c’est le début d’un grand amour. . L’Île Maurice et les Mascareignes Filigranes : Peux-tu nous dire un mot de la recherche que tu mènes actuellement ? M.A. : Mon travail de thèse porte sur le roman contemporain mauricien d’expression française et anglaise. Je tente d’y repérer les convergences entre deux esthétiques post-coloniales : l’une francophone, l’autre anglo- saxonne. Filigranes : Peux-tu nous citer quelques auteurs mauriciens ? M.A. : Shenaz Patel, Ananda Devi, […]


Jean Amado ? J’ai dû le rencontrer en 1950 chez René Benlisa – Entretien avec Francis Finidori

Cursives 67 Entretien avec Francis Finidori (c) (Photos Francis Finidori – Tous droits réservés) Jean Amado ? J’ai dû le rencontrer en 1950 chez René Benlisa. À l’époque, je travaillais sur les quais de Marseille et un jour, en rentrant à pied, je trouve un petit cube en maçonnerie. Il y avait là un café dont les murs étaient constellés de ganches, en ex-voto. Ces instruments de dockers étaient engagés contre quelques verres. Le patron servait les pastis avec des brocs en forme de phallus, il n’était pas peu fier de ces pièces uniques. Je vois aussi des peintures d’une dureté, d’une fermeté qui m’ont fait penser à Artaud. – C’est mon fils, dit le patron. – Je peux le rencontrer ? Après un premier contact, par téléphone, il m’invite à déjeuner du côté de Saint-Marc Jaumegarde…  Et je découvre une production encore différente, des projets de céramique… On devient amis. Il me présente Amado. On ne s’est jamais plus quitté.     La Rencontre Filigranes : Comment as-tu eu le projet de ce livre ? F. F.: Après un intermède aux Beaux Arts, j’ai eu envie de faire de la photo et je suis allé dans une école en Sarre en 1954. J’y suis resté un an. Autour de moi, les espaces de la langue et de l’écriture étant déjà occupés, je me suis mis à la photographie et me suis retrouvé à faire les photos des catalogues […]


Une ignorance jamais comblée – Entretien avec José-Flore Tappy

Cursives 66 Entretien avec José-Flore Tappy   José-Flore Tappy est née à Lausanne en 1954. Elle travaille dans la recherche littéraire et l’édition de textes à partir d’archives d’écrivains, au Centre de recherches sur les lettres romandes (Université de Lausanne). Elle a conçu et réalisé l’exposition Jaccottet poète qui présentait en 2005 à Lausanne d’une part les années de formation de Jacottet et ses interlocuteurs privilégiés – maîtres, amis, artistes, éditeurs -, d’autre part son travail d’écrivain à partir d’un choix de manuscrits. En collaboration avec Marion Graf, elle a réalisé une Anthologie de la poésie en Suisse romande depuis Blaise Cendrars, publiée en 2005 chez Seghers. Elle a publié 4 recueils de poèmes Errer mortelle, Pierre à feu, Terre battue et Lunaires et un cinquième recueil intitulé Hangars va paraître à l’automne 2006. Elle a écrit également des textes consacrés à des artistes et traduit des poètes de langue espagnole ainsi que la poétesse russe Anna Akhmatova. Elle a bien voulu prendre le temps de répondre à nos questions.   Une ignorance jamais comblée   Filigranes : Vous avez déjà derrière vous 4 recueils de poésie publiés et un livre écrit en collaboration avec un sculpteur. Y a-t-il eu un moment inaugural où vous avez pris conscience que vous étiez poète ou bien est-ce venu progressivement, peut-être grâce en partie au regard d’autrui ? José-Flore Tappy : J’ai toujours eu de la peine à me désigner comme « poète ». Le […]


La pédagogie est-elle une création ? – Un entretien avec Antoinette Battistelli

  Filigranes propose dans ce Cursives  62 (2004) un entretien avec Antoinette Battistelli, professeur des écoles et maître formateur.   L’échange porte sur les liens entre démarche pédagogique  et démarche créatrice. Antoinette Battistelli est plasticienne à ses heures, elle participe aux travaux du GFEN Provence, elle conçoit et anime avec ses pairs des ateliers de création, mais surtout elle invente pour ses élèves de Cours élémentaire (7/8 ans) et ses stagiaires de l’IUFM des situations d’apprentissage appuyées sur l’activité créatrice. L’entretien fait suite à une matinée passée en classe avec elle et ses élèves. Créer, c’est accumuler et transformer Filigranes : L’idée que nous avons en tête, c’est celle d’une comparaison possible entre la pédagogie comme acte de création et la création proprement dite, plastique notamment. C’est la première fois que nous abordons cette question dans Filigranes. Quels parallèles vois-tu ? Antoinette Battistelli : Je me suis souvent interrogée sur les raisons pour lesquelles, à titre personnel, je crée si peu plastiquement et sur la place qu’occupe dans ma vie ce que je fais en classe avec mes élèves, que je considère comme des créations. Un premier élément qui à mes yeux fait lien, c’est la notion de transformation. En création, on ne part pas de rien (je pense à Picasso allant voir les Inuits et les Africains avant de peindre ses portraits), en pédagogie non plus. Quand je lis telle ou telle séance dans le livre du maître, […]


« La maison des Savoirs » à Bruxelles – Martine Hosselet-Herbignat

Filigranes N°60 « Le don du texte » Novembre 2004 Martine Hosselet-Herbignat est citoyenne belge, volontaire dans le mouvement ATD Quart-Monde depuis 1980. En 1988, avec Pierre, son mari, elle crée « La maison des Savoirs » à Bruxelles où elle anime jusqu’en 1994 l’atelier « Art et Poésie ». Depuis, ils ont rejoint, avec leur famille, l’antenne du mouvement ATD Quart Monde à Marseille où Martine est plus particulièrement en charge du dialogue interculturel et des relations avec des personnes engagées dans la lutte contre la pauvreté tout autour de la Méditerranée. Elle a écrit 2 romans, Clin d’œil à l’ami Picasso (1996, éd. Quart-Monde), dont l’action est située à Bruxelles, et A la première personne (2003, éd. de l’Harmattan) dont l’action est située à Marseille.   1. Qu’est-ce qui t’a poussée à écrire ton premier livre ? Après avoir vécu pendant plusieurs années une expérience très forte de partages et d’actions avec les familles en grande pauvreté, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive quelques chose qui mettrait en scène des personnages très proches de ceux que je connaissais. Le roman me permettait de donner à la fois une profondeur aux personnages tout en me laissant la liberté de combler les vides de l’histoire par ce qui venait de moi. Je pouvais puiser dans ma vie, dans mon expérience, pour faire se rejoindre les différentes histoires. En effet, souvent, les personnes très démunies ne se rappellent pas ou n’ont pas gardé de traces […]


« Créations croisées, savoirs solidaires ». – Entretien avec Karyne Wattiaux

Paru dans Cursives N°58 Filigranes a rencontré Karyne Wattiaux, conseillère pédagogique en alphabétisation, animatrice d’ateliers d’écriture et écrivain et Mariska Forrest, plasticienne. Elles évoquent ici leur utopie des mercredis soir : un étonnant projet d’écriture dans lequel un public mixte de « lettrés » et « d’illettrés » écrit et produit plastiquement et finit par publier une dizaine de livres… Un projet dont le récit et l’analyse  nous éclairent sur la fertilité du principe de coopération et nous invitent à inscrire la création dans le long temps du partage.   Commençons par la fin. Vous arrivez au terme d’un projet de cinq ans et demi. Karyne Wattiaux : Oui, c’est une boucle qui se referme sur une suite de petits  projets qui n’en forment qu’un : mettre en œuvre des projets collectifs tout en permettant à chacun d’expérimenter et d’acquérir des savoir faire tant artistiques que solidaires. Au début du projet, nous ne savions pas que nous étions au commencement d’aventures multiples qui nous conduiraient jusqu’à aujourd’hui. Durant toutes ces années, nous nous sommes arrêtés tous les trois à six mois. C’est lors de ces bilans qu’ensemble, nous décidions de poursuivre ou pas et si oui sur quelles bases de travail. Ces moments permettent à chacun de se repositionner par rapport à ce qu’il a produit, ce qui a eu lieu. De repartir vers d’autres possibles décidés ensemble. Ce petit peuple de l’utopie qui gravite autour du projet Filigranes : Qui participe à ce groupe […]


« Écrivain public, auteur conseil » – A propos d’un diplôme universitaire mis en place par l’Université de Toulon La Garde

Cet entretien est paru dans Filigranes n°57 « Ici, midi » Novembre 2003 Nous présentons ici l’entretien qu’on mené à distance, par courriers interposés, deux étudiantes du D.U. d’écrivain public / auteur conseil avec trois de leurs enseignants.  Michèle Monte, Odette et Michel Neumayer répondent aux questions de Sylvie Combe et de Gislaine Ariey. Aux origines  de cette formation Dans quelles circonstances la Faculté de Toulon a-t-elle fait appel à vous ? Savez-vous pourquoi ? Michèle Monte : L’Université de Toulon a fait appel à moi pour imaginer la formation d’écrivain public, parce que j’animais des ateliers d’écriture à la Faculté de Lettres et peut-être aussi parce qu’on connaissait mon engagement social auprès de personnes en difficulté. Je me suis alors intéressée à la profession d’écrivain public et j’ai découvert qu’elle était en plein renouveau, il m’a donc semblé qu’il était pertinent de proposer une formation à ce métier, et j’y ai été encouragée par les écrivains publics que j’ai contactés. En quoi celle formation vous parait-elle pertinente ? Michèle Monte : Si l’on compare le D.U. de l’Université de Toulon avec la licence professionnelle proposée à l’Université de Paris III, il y a d’évidents points communs qui résultent de la nature même de la profession : celle-ci nécessite une polyvalence d’où une formation pluridisciplinaire où le droit social, le droit fiscal ou le droit des associations côtoient la bureautique, les pratiques rédactionnelles, l’entraînement à la recherche historique ou à l’interview. Mais l’originalité […]


La photo, à hauteur d’homme – Entretien avec Patrick Massaïa

Patrick Massaïa est photographe professionnel. A ce titre, mais aussi sur la base d’un engagement personnel très fort, il a été conduit à accompagner un groupe de jeunes et d’adultes de la ville d’Aubagne lors d’une visite du camp de concentration d’Auschwitz. Dans l’entretien qu’il accorde à Filigranes, Patrick Massaïa évoque son travail professionnel et personnel mais revient surtout sur ce voyage très particulier et sur l’exposition qui a ensuite été organisée dans la ville. Il aborde la question de la mémoire, du témoignage et de l’apport de la photographie à cette nécessité citoyenne.   La découverte de la photo Filigranes : Comment la découverte de la photo s’est-elle faite pour toi? Patrick Massaïa : J’ai découvert la photo comme tout le monde vers douze ans. J’ai eu mon premier appareil à cette époque-là. C’était un Agfa Rétinette, du genre  » J’appuie, ça fait une photo, soleil voilé, soleil brillant  » et voilà. Je prenais ce que je voyais autour de moi, comme on le faisait dans la famille, mon père notamment. C’était la photo-souvenir-de-vacances. On s’appliquait à faire les choses bien. Au début, de la photo papier avec tirage à partir de négatifs, puis de la diapo. On se réunissait autour d’un projecteur et on regardait.           Dans la famille, j’avais aussi un cousin qui pratiquait le noir et blanc. Il s’était installé un labo incrusté entre deux murs sur trois mètres et demi. Tout là, sous la […]


LE POLAR : UNE AUTRE FAÇON D’ÉCRIRE L’HISTOIRE – Entretien avec René Merle

Cet entretien est paru dans Filigranes n°49 « Polars & Cie » Avril 2001 Avec René Merle le polar s’enracine dans un territoire et son histoire. René MERLE retrace pour FILIGRANES quelques étapes de son itinéraire : du professorat à la langue et à la poésie occitanes, de l’écriture à l’histoire. Un itinéraire qui aurait pu semblé tout tracé, si le désir de transmettre son savoir à d’autres, une rencontre et quelques événements politiques récents et plus anciens ne l’avaient fait bifurquer. René Merle est l’auteur de Treize reste raide, paru en 1997 aux éditions Gallimard (collection Série Noire).   Occitanie Filigranes : René Merle, avant de parler plus précisément de votre polar Treize reste raide, parlez-nous un peu de votre parcours. René Merle : Je suis né en 1936, ce qui veut dire que je fais partie de cette génération qui a connu une France qui, par certains côtés, était presque identique à celle du XIXe siècle, puis ces Trente Glorieuses où on a découvert la société dite de consommation, où on a traversé les guerres coloniales, le mouvement de 68. Cela amène à un certain pessimisme : on a l’impression que le monde s’est grandement amélioré sur le plan matériel, mais ne correspond pas à ce qu’on aurait souhaité sur le plan affectif, spirituel. A côté de ça, j’ai été prof toute ma vie, et c’est un métier qui m’a beaucoup plu. J’ai été normalien, j’ai été reçu à l’ENSET et j’ai […]


La chanson, un art de la concision… – Entretien avec Christian Alix

Cet entretien est paru dans Filigranes n°52 « Et pourtant elle chante » Avril 2002   Dans ce numéro, nous avons rendez-vous avec Christian Alix, chercheur en éducation à l’Institut allemand de recherche pédagogique (D.I.P.F., Francfort – RFA) et auteur compositeur interprète. Christian Alix écrit les textes et compose les musiques de ses propres chansons mais écrit aussi des poèmes et des histoires pour enfants. Il évoque dans cet entretien une expérience singulière, celle d’auteur compositeur interprète.   Des chansons et des partitions FILIGRANES : Quand as-tu le sentiment d’être entré en écriture et en chanson ? Christian Alix : J’ai depuis toujours eu envie d’écrire des chansons et de la musique. Je suis, tombé dans la chanson et la musique – comme Obélix dans sa potion magique ! – très tôt. Ma mère chantait pour « chasser le diable qui rôdait » comme le dit Félix Leclerc. Mon père, lui, adorait danser. Mon rapport à la musique vient de là. Vous savez comment ça se passait avant. Il y avait les disques 78 tours – mes parents n’avaient toutefois pas de « tourne-disque », mais surtout, on écoutait les chansons à la TSF, au poste, à la radio. C’était une tradition orale, du bouche à oreille Ce n’est pas innocent si on ne retenait que des bribes. On fredonnait, on sifflait et on répétait le refrain et un bout de couplet. Les chansons sont faites pour cela. En général on en restait là, sauf […]


Dans l’entre-deux des langues – Entretien avec Lothar Weber 

Cet entretien est paru dans Filigranes n°43 « Humain / Inhumain » Mai 1999   L’entretien que nous proposons dans ce numéro est l’occasion pour Filigranes de rendre hommage à ceux de nos auteurs qui ont fait le choix et ont pris le risque – de ne pas écrire dans leur langue maternelle mais de faire le saut vers la langue étrangère qu’est pour eux le français. Lothar Weber, citoyen allemand, enseignant de français, formateur d’enseignants en RFA (Land de Hesse), nous raconte comment il est entré dans le territoire de la langue française et y a découvert le bonheur d’écrire.   « Si le mot que tu veux prononcer n ‘est pas plus beau que le silence, ne le prononce pas. » (Sagesse Soufî) Les années d’apprentissage Lothar Weber : J’ai commencé à apprendre le français à l’âge de 14 ans. J’ai fait 5 ans de français au ly–cée, puis 3 ans à l’Université. Pendant toute cette période je n’ai pas eu le sentiment d’avoir réellement appris la langue, mais simplement de m’y être exercé. Au début, cet apprentissage était peu intéressant. Le manuel scolaire tenait lieu de Bible. Hors du livre point de salut. Les choses ont pris une autre tournure en changeant d’enseignant : il nous faisait parler, écrire, bref travailler directement dans la langue étrangère. Par sa façon d’enseigner et de nous impliquer dans le travail, cet homme m’a réellement donné l’amour du français ! Le résultat a été […]


Traductrice…   Entretien avec Myrto Gondicas

Cet entretien est paru dans Filigranes n°42 « Balade chez les Anciens » Janvier 1999   Filigranes a rencontré Myrto Gondicas, traductrice. Comment devient-on traductrice ? Quel est le projet du traducteur, quel est celui de l’éditeur ? Que signifie « traduire » ? Quelle serait la juste distance avec les textes anciens ? Que signifie rendre « lisible » un texte pour un lecteur contemporain ? Voici quelques unes des réflexions qui, à n’en pas douter, feront écho.   Filigranes : Myrto Gondicas, tu es traductrice et tu as travaillé pour différentes maisons d’édition. Combien d’ouvrages as-tu traduits ? Myrto Gondicas : J’ai traduit deux ouvrages de l’américain mais mon activité a été surtout consacrée à la traduction d’œuvres en grec ancien. J’en ai traduit six dont deux en collaboration. « Histoire d’un bébé » Filigranes : Comment en es-tu venue à la traduction « professionnelle » ?       M.G. : Par des rencontres, par des hasards heureux. La première fois, c’était pendant une des périodes difficiles de ma vie. J’ai revu quelqu’un que j’avais croisé et que mon frère avait croisé quand nous avions tous les deux douze ans, dans une perspective d’orientation scolaire, et aussi parce qu’il faisait des recherches sur les jumeaux. C’est René Zazzo, le psychologue connu du grand public pour ses recherches sur les jumeaux mais qui s’est intéressé à beaucoup d’autres sujets, quelqu’un de très curieux, de très ouvert et de très intéressant. Quand je l’ai revu, cela m’a fait beaucoup de bien. Et puis un jour, il m’a […]


Entonner quelques airs – Entretien avec Agnès Petit, chanteuse

Cet entretien est paru dans Filigranes n°26 « Folies plurielles » Juin 1993 Agnès Petit, née au pays des cigales il y a trente ans. Chante sous le soleil et malgré la bise dans les choeurs de l’Opéra de Toulon. Je célèbre la voix mêlée de couleur grise Qui hésite aux lointains du chant qui s’est perdu Comme si au-delà de toute forme pure Tremblât un autre chant et le seul absolu Yves Bonnefoy   Les balbutiements Filigranes : Quand  as-tu commencé à chanter ? Agnès Petit : En professionnel, depuis deux ans. En amateur, depuis cinq ans. J’avais toujours eu envie de chanter mais je ne l’avais pas fait car je ne me l’autorisais pas. Une fois que j’ai découvert le chant je ne me suis plus arrêtée. Filigranes : Et le choix professionnel ? Agnès Petit : Le choix professionnel est un hasard et une chance. Mes débuts dans les choeurs furent un palliatif aux périodes de chômage. Ma formation initiale ne débouchait sur aucun emploi, en revanche le chant me permettait de travailler. N’ayant rien à perdre j’ai saisi l’occasion d’un premier contrat et ensuite ils se sont enchaînés. Maintenant je crois que je ne pourrais plus vivre sans chanter. Filigranes : Et écrire ? Agnès Petit : Vers douze ans. J’ai eu un désir et un besoin d’écriture poétique. Filigranes : À partir du moment où tu as commencé, as-tu écrit régulièrement ? Agnès Petit : Oui. […]


« Construire des significations à des mots existants » (Teresa Assude)

Un entretien avec Teresa ASSUDE, membre du collectif de Filigranes, enseignante et chercheur en didactique des mathématiques.   A propos d’écriture en didactique des mathématiques et d’écriture poétique TA : En didactique ou en poésie quand j’essaie de créer, il y a toujours un temps de maturation. Tout dépend de la manière dont chacun vit le travail. Moi, je vis dans la lenteur en ce qui concerne la création. Parfois j’ai l’impression que j’ai avancé, et quand je relis, je m’aperçois que je n’ai pas avancé du tout. Je traîne, je traîne, ou j’écris à quelqu’un ou je n’écris rien. Puis, un peu plus tard, cela peut aller très vite. Les jours où je suis restée « sans rien faire », c’est une période où quelque chose a mûri, mais qu’ai-je fait pour cela (à part me donner le temps) ? Même s’il y a des choses que je ne comprends pas dans la création, je pense que celle-ci n’est pas magique : le travail et la volonté de créer y sont pour quelque chose.   Lire la suite : « Construire des significations à des mots existants » Entretien avec Teresa Assude, chercheure en didactique des mathématiques et pédagogie. Auteur de Filigranes. (N°22).


« Ecrivain public et biographe » (Marie-Christine Ingliardi)

Ecrivain Public et Biographe Un entretien avec Marie-Christine INGIGLIARDI   Écrivain public : « Nom masculin bien que souvent féminin… Sorte de porte-plume doté d’oreilles bienveillantes et attentives, utile lorsqu’on trouve les mots pour le dire mais pas ceux pour l’écrire. Domaines d’intervention : de la lettre de motivation au roman, du recours administratif au poème, du rapport de stage à la lettre d’amour, du mémoire aux Mémoires… » Telle est la définition que Marie-Christine INGIGLIARDI, écrivain public et biographe à Sisteron, donne de son métier. Un métier qu’elle évoque ici pour les lecteurs de Filigranes…    Filigranes : En quoi consiste votre travail d’écrivain public et biographe ? Quelles sont vos différentes activités et qui sont vos clients ? Marie-Christine INGIGLIARDI : Tout d’abord, si je dis « Écrivain public »quand on me demande ce que je fais dans la vie, il faut bien reconnaître que ce n’est pas ce qui me fait vivre. Pour le bulletin de paye, j’ai d’autres activités qui tournent toutes autour de l’écriture (alphabétisation, soutien scolaire, communication…) mais ont en commun d’être décemment rémunératrices. Lire la suite « Ecrivain public et biographe » Entretien avec Marie-Christine Ingigliardi (N°54)  


« Une poésie politique : prêter sa voix à d’autres…  » (Bernard Morens)

Une poésie politique : prêter sa voix à d’autres…  »   ENTRETIEN AVEC BERNARD MORENS Bernard Morens est professeur de français dans un collège de Dordogne. Il a déjà publié Voix en 1998 à la Librairie – Galerie Racine (Paris). Filigranes s’entretient avec lui d’un travail en cours dont un extrait a été publié.   Filigranes : Comment est née l’idée de ton actuel chantier d’écriture, si je peux utiliser ce terme ? B.M. : J’ai eu envie de faire de la poésie qui soit politique en ce sens non pas qu’elle prenne parti, mais qu’elle parle de ce que vivent les gens au niveau d’un groupe, comment des gens peuvent subir des événements de l’Histoire, de l’actualité. Je voulais mettre l’accent sur la souffrance que peuvent connaître les gens, et c’était pour moi une manière de m’interroger sur l’Histoire, d’essayer de comprendre notre Histoire contemporaine. Le premier événement emblématique qui m’est venu à l’esprit, c’était Hiroshima. Mais au même moment, dans l’actualité, se déroulaient la guerre en ex-Yougoslavie (en Bosnie, quand j’ai commencé à écrire), la guerre civile en Algérie, et venaient d’avoir lieu (en 94) les massacres au Rwanda, le deuxième génocide en ampleur après celui des juifs par les nazis. Un génocide qui, au contraire de celui des juifs, ne s’est pas appuyé sur une organisation très sophistiquée, s’est fait avec des moyens très rudimentaires, mais a impliqué une grande partie de la population dans le rôle […]


« Le travail de l’écrit » (Bernard Pèlegrin)

Le travail de l’écrit – Entretien avec Bernard Pèlegrin. Dans l’entretien qui suit Bernard Pèlegrin, ergonome et écrivain, témoigne d’un univers inhabituel pour « Cursives », celui de l’entreprise. On aurait tort d’imaginer que les questions concernant l’écriture et les pratiques du langage ne s’y posent pas, ou seulement marginalement. Réfléchir à ce que signifient « formaliser l’expérience de travail », « co-élaborer les savoirs du travail » est pour nous une manière de donner du sens et de l’épaisseur au sous-titre de Filigranes…revue d’écritures.   La formalisation comme accès au dire Filigranes : Qu’est-ce que « formaliser »  l’expérience et d’où te vient l’idée de le faire. ? Bernard Pèlegrin.- Formaliser ? Le dictionnaire dit: « réduire un système de connaissance à ses structures formelles. » Ce que je mets dans ce mot, c’est plutôt quelque chose comme donner une forme, mettre en une autre forme. La première fois où, dans mon travail d’ergonome, j’ai pu mesurer l’effet de la formalisation de l’activité d’une opératrice, c’était en 1984 dans une entreprise de transformation de la laine dans le Nord de la France. J’étais invité à une réunion du Comité de cette entreprise. Kader y assistait comme représentant du personnel. Mon travail était de rendre compte d’une expertise « nouvelles technologies». Je présentais le rapport que j’avais fait et je l’étayais de transparents et autres graphes particuliers qu’on appelle des « chroniques de l’activité ». Kader était surnommé « Soupe au lait » à cause de ses réactions explosives en séance lorsque il constatait […]


« La femme de l’écrivain » (Aline Autin-Grenier)

La femme de l’écrivain… Entretien avec Aline Autin-Grenier Aline Autin-Grenier est enseignante de Lettres Modernes dans le Vaucluse où elle vit à la campagne avec l’écrivain Pierre Autin-Grenier depuis une vingtaine d’années. Elle a publié dans FILIGRANES Q : Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est d’aborder la question de l’écriture à travers ce que peut en dire une personne qui, comme toi, partage la vie d’un écrivain. Une personne qui occupe la position de témoin, de spectateur peut-être, face à un travail en cours. Autrement dit, de quoi témoigne « la femme de l’écrivain », ce personnage emblématique, à la fois irremplaçable et méconnu, cette figure de l’ombre sans laquelle bien des textes n’auraient pas vu le jour… Sur la scène littéraire et sociale A.A-G.: Depuis 3 ou 4 ans, Pierre est assez souvent invité à lire ses textes et à rencontrer le public. Il se déplace beaucoup pour quelqu’un qui n’est connu que dans un milieu littéraire restreint. Il a été invité à Caen, où François de Cornières organise les « Rencontres pour lire », à Châtenoy-le-Royal dans la banlieue de Chalon-sur-Saône, (non loin de Lyon où il a ses racines), et dans bien d’autres lieux encore…  Or, il lui est brusquement devenu impossible de se déplacer si je ne suis pas là. Invité récemment à Landreville (Aube), – c’était le premier week-end de la rentrée-, je dis : « tu prends la voiture », car étant donné la date et la distance ça […]