N°112 « Le chêne et roseau » (Végétal vol 2 – 2023)
Nous poursuivons ici le cycle « Végétal ». L’eau et la terre entretiennent avec la pousse infinie de la vie des arbres des rapports d’amour/haine. Dans ce numéro 112 de Filigranes nous choisissons l’élégie et notre appréhension de la fable de La Fontaine réserve des surprises au lecteur. Celui-ci est appelé à s’identifier aux personnages que La Fontaine a campés pour illustrer un paradoxe : « C’est le plus fort qui est le plus fragile », opposant faiblesse et puissance dans un de ses dialogues ordinaires où il affronte la cour de Louis XIV. La logique serrée de la fable a peut-être éloigné les auteurs. Ont-ils préféré prendre des chemins de traverse plutôt qu’affronter le dénouement qui condamne le chêne à périr ? Ils deviennent ici spectateurs de la nature, se cachent dans les arbres, partagent la vieillesse et la finitude, s’émeuvent du destin qui attend le chêne malgré́ la majesté de son feuillage. Ils se cachent dans ses bras maternels, s’identifient au dieu totémique paternel. Survivent dans ce temps qu’ils espèrent immobile. Ils projettent dans l’écorce, dans les noyaux, dans les pépins, le renouvellement, la fertilité́, la revanche de la vie sur la mort. La sève peut donner l’encre, le calame et la plume l’outil.L’écriture se dessine, en ombre et lumière, dans la profusion de la forêt, et même sur les façades des villes. Plutôt qu’une opposition du plus fort au plus faible on a des épousailles. […]