La photo, à hauteur d’homme – Entretien avec Patrick Massaïa


Patrick Massaïa est photographe professionnel. A ce titre, mais aussi sur la base d’un engagement personnel très fort, il a été conduit à accompagner un groupe de jeunes et d’adultes de la ville d’Aubagne lors d’une visite du camp de concentration d’Auschwitz.
Dans l’entretien qu’il accorde à Filigranes, Patrick Massaïa évoque son travail professionnel et personnel mais revient surtout sur ce voyage très particulier et sur l’exposition qui a ensuite été organisée dans la ville. Il aborde la question de la mémoire, du témoignage et de l’apport de la photographie à cette nécessité citoyenne.

 

La découverte de la photo

Filigranes : Comment la découverte de la photo s’est-elle faite pour toi?

Patrick Massaïa : J’ai découvert la photo comme tout le monde vers douze ans. J’ai eu mon premier appareil à cette époque-là. C’était un Agfa Rétinette, du genre  » J’appuie, ça fait une photo, soleil voilé, soleil brillant  » et voilà. Je prenais ce que je voyais autour de moi, comme on le faisait dans la famille, mon père notamment. C’était la photo-souvenir-de-vacances. On s’appliquait à faire les choses bien. Au début, de la photo papier avec tirage à partir de négatifs, puis de la diapo. On se réunissait autour d’un projecteur et on regardait.          
Dans la famille, j’avais aussi un cousin qui pratiquait le noir et blanc. Il s’était installé un labo incrusté entre deux murs sur trois mètres et demi. Tout là, sous la main, bien organisé, cela me séduisait. J’allais m’écraser comme une sardine dans ce lieu. Ce qui me fascinait, c’était qu’une image apparaisse à partir de rien du tout ou plutôt à partir de quelque chose qui restait largement invisible. Sur le négatif, on ne voyait pas tous les détails du futur tirage. Je n’arrivais pas à comprendre ce que c’était, je trouvais ça magique, l’apparition d’une image à partir d’un papier blanc, trempé dans un liquide… Je n’étais pas allé voir du côté de la technique et je restais très impressionné. Depuis je suis resté  » photo… sensible « .

Filigranes : Quel rapport au livre avais-tu à l’époque ?
Patrick Massaïa : Il y avait dans mon milieu des éléments favorables à la lecture et au texte. Jeune homme, je lisais pas mal, la Bibliothèque Or, puis les romans de cape et d’épée, puis les textes plus historiques. J’ai découvert dans les livres ce que l’on ne m’avait pas appris à l’école.

Filigranes : Comment as-tu continué ?

Patrick Massaïa : J’ai fait les Beaux-Arts. On y goûte à tout, mais qu’y apprend-on vraiment ? Pendant ces années-là, j’ai commencé à glisser de la peinture vers la photo, l’aspect graphique prenant de plus en plus d’importance. Henri Cartier-Bresson raconte comment, fréquentant les cours du peintre André LHOTE, il a pris le contre-pied et s’est orienté vers le noir et blanc, vers le travail photo graphique. Il a toujours dit que la photographie pour lui est un moyen plus rapide de fixer sa vision, qu’il faisait du dessin avec la photo, que l’appareil photographique était un prolongement de son œil et de son esprit. Il suffit de parcourir son œuvre pour comprendre.          

 

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Patrick Massaïa n°53