Edito
Demain s’ancre au cœur d’aujourd’hui, comme une certitude que rien ne peut dessoucher, puisque je le dis, puisque je l’affirme, assène le poète 1. L’on s’autorise parfois la lassitude, du bout des lèvres : comment ne pas s’avouer que la tyrannie du passé et de notre temps nous accable ? Durant cet instant suspendu, aveuglés de réel, il nous arrive de fermer les yeux, de baisser les bras, de courber le dos… et pour l’arrondir encore mieux afin que glisse la vague du désespoir, nous nous campons sur nos deux jambes. Une fois encore, au moins, on lui a échappé, même si on reste silencieux et désenchantés, attendant le jour où nous reprendrons notre recherche : ensemble nous gratterons, creuserons, enfouirons une graine (est-ce elle, enfin ?) de laquelle s’exprimera notre indéracinable aspiration à la paix, celle d’un monde solidaire. D’autant plus vive que nourrie du heurt des jours. Sans plus de haine. Ainsi résistons-nous, cahin-caha, en dépit des épreuves.
Les mots bleus, couleur d’orange ou arc-en-ciel, nous les portons aussi sans chichis comme bijoux ou chouchous. Tout simplement ils disent au quotidien notre présence au monde, ils nous disent reliés à nos rêves et à nos douleurs… qui chantent à nos boutonnières, tissés du fil qu’on abrite si soigneusement au creux de soi. Ne cherchez pas les héros, les éclats de rires et de larmes sont de simples touches de couleur sur fond de vertige. Les mots sortent de
nos gorges comme collier de crapauds et serpents ou comme collier de roses, perles et diamants selon qu’ils cognent tout bouillants ou qu’ils caressent, inattendus, émergés des eaux inexplorées de soi 2 . À laisser couler, à dompter, à cultiver. Les mots deviennent matières. à tisser, à sculpter et à chanter, comme le plein révèle le vide, comme la forme révèle le manque. Ça souffle enfin, de faire on entrevoit un possible jeu : arrimé aux mots comme à une corde à nœuds, on remonterait à la surface de sa vie, créateur.
Voyez aussi, les mots nous tiennent droit, nous assurent quand nous les lisons clairs sur le corps de ceux que nous croisons et dont la langue déliée reflète nos désirs, nos joies, nos doutes. S’ouvre alors un espace de reconnaissance où reprendre corps, avancer plus fluide de se découvrir dans les nuances des mots des autres. Cet au-delà de soi, chêne ou roseau, source ou volcan, animal fauve ou apprivoisé, nous pousse au vivant de la rencontre pour explorer tous les possibles : je peux changer en échangeant avec l’autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer 3. Dans l’orchestre du monde, on s’élance pour rester vivant, parce qu’on fait partie de l’Histoire, quoi qu’on en veuille. Comme tous les autres, avec les autres, chacun joue sa partition. Au-delà de Babel, notre pari toujours renouvelé de faire relation 3.
Monique D’Amore
1.« Et un sourire », Paul Éluard, Le Phénix.
2.« Les Fées », Charles Perrault.
3.Poétique de la relation, Édouard Glissant. On peut lire pour découvrir l’article de Muriel Rosemberg disponible sur le portail Cairn : https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2016-4-page-321.htm
Monique D’Amore / Éditorial
Et pourtant
Marie-Christiane Raygot Au fond des choses
Gislaine Ariey Tâtonnements
Fanny Le Rouhet Quatre syllabes
Agnès Petit Acharnement
Jean-Jacques Maredi Scripta manent
Annie Christau Dénouer
Teresa Assude Au-delà
Jacqueline L’Hévéder Valse du temps qui passe
Gaël Tissot Exil
Cursives Écrire entre les lignes : Hommage à Marie-Christiane Raygot
Territoires de l’intime (Michèle Monte)
Les textes de Marie-Christiane Raygot ouvrent des contrées étranges dans une filiation évidente avec le surréalisme. Ils ont la force de l’évidence mais témoignent de la fragilité d’un être au monde conscient de l’instabilité de toute chose. Énonçant avec le plus grand naturel des affirmations tout à fait déconcertantes, ils nous font entrer dans un monde où les sensations concrètes et les affects les plus vifs s’emparent du ciel, de la nuit, du rivage autant que de ceux et celles qui les écoutent et regardent. Les habitant·es de ce monde sont des êtres animés d’une grande soif et d’une faim écarquillée, des êtres qui mordent dans les expériences à pleines dents et s’élancent avec ardeur vers le jour, mais qui se heurtent aussi à des verrous, et se sentent souvent bâillonnés.
Poésie tout en éclats, tenue par un syntaxe simple.
Phrases verbales bien charpentées et pourtant mystérieuses –la bande de terre que découd la fenêtre est étroite –, phrases nominales qui ouvrent le regard en début de poème – la cuisine eau dormante –, groupes participiaux qui relancent le texte – et moi pouvant aller partout.
Une structure souvent se répète, qui fait l’unité du poème au-delà de l’éparpillement des images.
Le tu du compagnon et le nous ou le on plus larges apparaissent parfois, mais c’est surtout en je que se dit l’expérience,
un je très peu personnel qui surgit du poème plus qu’il ne le précède.
Les poèmes de Marie-Christiane Raygot s’affrontent au temps qui passe, au sentiment de perte, lancinant après le départ du compagnon de toute une vie, mais ils nous replongent aussi dans un passé redevenu présent. Les sensations y sont moins remémorées que rappelées et revécues dans leur fraicheur intacte et violente.
À les lire, on se sent plus vivant : le vent aux bras nus emmêle nos cheveux, notre peau a gardé le gout de la mer emportée demi-nue contre soi, la terre lestée d’insectes nous emporte dans sa ronde immobile. Oui, même si la douleur parfois nous consume, même si la vie est en vrac et parfois rebrousse chemin dans un éboulis de mémoire, on peut toujours applaudir chaque soir/ devant le rideau bleu nuit/ les géraniums cracheurs de feu.
Les passages en italiques sont extraits de
Mélancolies du sablier / Mémoire, tes yeux se ferment / Hier à voix basse.
Lire Cursives
@@ 115 pages25 2
Matière à tisser
Xavier Lainé Enchainé/Déchainé
Chantal Arakel Au fil de la ligne
Pascale Lassablière Textile
Jeannine Anziani Les dieux s’amusent parfois
Arlette Anave Le temps retrouvé
Michèle Monte Hamadryade
Paul Fenoult Sourde oreille
Gervaise Ferron-Leroy Moteur ! on tourne !
Michel Neumayer Les gabelous
Natalie Rasson Tissé de cheveux et de larmes
Roselyne Milani-Mariano Extase
Le pari
Laure-Anne Fillias-Bensussan D’îles et de nous
Marie-Noëlle Hopital Réfractaire
Christophe Forgeot À la lisière
Andreea Teodora Clurerescu Wenn die Seele brennt
Chantal G. Blanc Jouer vivant, si possible
Tristan Petit La source
Liliane Bonnetaud La chanson d’un oiseau
Lecarm Sonnet
Joël Saintiphat Rêve d’espoir
Photographies /
Pascale Anziani
La légèreté en simultané (Couverture)
Rébus
Capillaire
Végétal
Découvrir le travail de Pascale Anziani
Voir https://www.artsurimage.com/
https://sunfreckle.blogspot.com/
https://www.instagram.com/pascaleanziani
Mise en page
Gislaine Ariey
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« Mais si dure ou héroïque que soit la résistance, elle se condamne à l’échec, si elle s’enferme dans une logique d’affrontement, sans développer aussi et surtout de nouveaux mondes, ici et maintenant » Résister, c’est créer (Florence Aubenas, Miguel Benassayag)
L’insupportable – Tenir bon – Paroles à prendre
De registre en registre, ici même s’expriment bien des refus. Les colères sont tantôt rouges, tantôt noires. Nombre d’émotions s’offrent à lire au cœur du premier numéro d’une série de trois dont l’objet est d’explorer le terme de RÉSISTANCE. Dans « Vent debout », bien des textes font écho à ce qui est émoi en nous, à ce qui brûle. Aux mille-et-un lieux où se niche l’inconcevable. Bien des choses nous affectent : en refus, nous écrivons !
Il arrive de certains évènements que nous en soyons les témoins directs. D’autres faits, quand ils sont plus lointains, souvent nous parviennent par nos médias. Chaque fois différentes questions surgissent. Qu’est-ce qui nous émeut : ce qui est proche, ce qui choque, ce qui surprend ? Mais aussi, contradictoirement, qu’est-ce qui tue l’émotion : le trop plein d’informations, la recherche du sensationnel, le tourniquet des « narratifs » qui de semaine en semaine balayent écrans et unes ?
De ce terme de RÉSISTANCE, pourtant médiatiquement si facilement cuit et recuit, certains aspects nous semblent, par facilité, trop souvent négligés. Disons-les ici ! Résister, c’est créer du lien et se réunir en sororité et fraternité. C’est penser non l’unique, mais le deux, mais le trois. Ce n’est pas toujours s’arcbouter.
Résister, à nos yeux de femmes et d’hommes épris de lettres, c’est encore et surtout, à bras le corps, ici et maintenant imaginer et inventer !
Dire l’insupportable, évoquer des images traumatiques, affirmer le « non », tenir bon, tels sont quelques fils à dénouer, quelques mobiles à écrire à déceler au cœur de ce numéro.
Mais nos textes, nos créations, nos écritures, ces chemins que nous empruntons, ne seraient-ils que langagiers ? Parole, parole, chansons sous le mauvais vent, nous opposeraient certains. Affects sans effets sur le monde, ajouteraient-ils, éloignés des conflits de faim et de froid qui, plus que jamais, ruinent nos sociétés, qui touchent nos enfants en attente d’amour, mais trop souvent aussi de nourriture. Et encore songes et utopies qui traversent l’esprit de nos compagnes et compagnons, chaque fois que le besoin d’histoire, de langue et de culture veut faire barrage à un monde toujours aussi violent. Dénoncer l’hubris, traquer d’insupportables obscurités, briser les camisoles, détacher des harnais, vendre les mèches, refuser de consentir, révéler ce que nous savons, cela, en effet, suffit-il ?
Convenons que ni l’amertume ni la tristesse ne font, à elles seules, un monde où vivre et écrire vaudrait. Ainsi convient-il d’énoncer tout autant notre besoin d’espoir, d’affirmer que d’autres espaces sont possibles. Ceux-ci, appelons-les RELATION, dans ses riches acceptions de récit ou raconte, mais aussi de lien ou connexion avec « l’autre », le différent. Aussi, à notre mesure, que nos textes soient messages d’alerte, bouteilles jetées à la mer. Seront-ils entendus ? Qui le sait.
À vous, lectrices, lecteurs, de ramasser nos flacons, nos fioles, nos gourdes, nos bouillottes, nos dames-jeannes quand vous parcourrez nos plages et nos pages. À vous de les replacer en vos jardins, de faire pousser toutes nos fleurs en vos proches terres nourricières ! MN (30/03/24)
L’écriture comme chemin
Colette Gibelin est née en 1936 à Casablanca, au Maroc, où elle a passé son enfance et son adolescence. Elle est venue ensuite en France pour faire ses études supérieures. Nommée professeure de Lettres à Fès, en 1961, elle quitte le Maroc en 1967, et s’installe dans le Var. Elle a publié près d’une quarantaine de recueils de poésie. Elle vit près de Brignoles, à Camps la Sour ce, où elle a organisé un festival de poésie de 2015 à 2019. Elle a aussi fondé la librairie Le Bateau blanc à Brignoles et participé plusieurs fois au festival des Voix vives à Sète.
Premier crocus
illuminant le jardin
comme bouteille à la mer
Il faut y croire encore une fois
Même si l’espoir
n’est qu’un grand soleil fou
que la nuit, la goulue,
happera comme une huître
Comme un chant de fontaine,
(éd. Alain Benoit, 2002)
Ressac
Le vent s’égare dans les mâts et les voiles
Et toi, je te regarde encore,
ô déjà consumée,
dans ce lieu sans visages
au-delà de toutes les rives
vers ces frontières noires où je dérive
On ne s’habitue pas
(Éd. Les lieux-dits, 2022)
Lire le texte augmenté
Colette Gibelin version longue pour le site
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18-19 janvier 2025 (hiver)
1 et 2 mars 2025 (petit séminaire autogéré)
17*18 mai 2025 (printemps 2025)
20 et 21 septembre 2025 (automne)
Depuis fort longtemps, la revue tient, trois fois par an, ses séminaires : le premier en janvier, les suivants en mai et en septembre de chaque année.
Moments de recherche, de création et de partage, ils sont bien sûr ouverts à toutes et tous.
Mais qu’est-ce qu’un « séminaire » ?
Il comporte en général plusieurs temps : un retour sur le dernier numéro paru ; un temps de lecture et de choix des textes reçus pour le numéro suivant ; un atelier consacré au numéro qui paraitra un peu plus tard encore. Sans oublier ce temps consacré à rendre la revue plus visible, que ce soit à travers son site, par des lectures en librairie ou dans des musées.
Un séminaire, c’est aussi un temps de décision, de coopération et d’invention où se prennent des rendez-vous : réécrire à tel auteur, imaginer de nouvelles questions à l’écriture, inviter tel intervenant.
Un séminaire est encore un temps d’amitié. On y rit, on y mange, on y boit et on s’émerveille au cœur d’une si belle nature provençale.
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Un séminaire comporte en général plusieurs temps : un retour sur le dernier numéro paru ; un temps de lecture des textes reçus pour le numéro suivant ; un atelier consacré au numéro qui paraitra un peu plus tard encore.
Un temps enfin consacré à rendre la revue plus visible, que ce soit à travers son site, par des lectures en librairie ou dans des musées.
]]>Après les labours d’Humus, les souffles et les élans forts ou fragiles du Chêne et du Roseau, Filigranes achève son chemin végétal dans La Forêt des songes.
Dans aucun numéro de ce triptyque les arbres et leur charge de vie, de sens, et d’énergie ne sont absents ; mais dans la futaie de textes de celui-ci, ils déploient tous les sens, sensualité, sensibilité, significations, assument bien des enjeux pour ceux qui, les regardant, les voient, et les aiment, s’irritent des misères que nos choix trop souvent leur infligent ; ceux qui, envers et contre tout, en nourrissent leurs sèves et leurs rêves d’humains au monde, y trouvent des lignes de vie, de force, et de création.
Au fil des pages de ce numéro, la forêt nous hante, nous enchante, nous emmène, loin du réel cru des villes, sur les pas des conteurs, et nous croisons Alice, un petit poucet, un ogre, Merlin et Viviane, un banyan griot pour la liberté, et d’autres ; alors, nous ne craignons plus les sorcières ; dans un pli du temps, nez en l’air, on croise des anges en peau de ciel et des ballons espions dégonflés par un rêve de berger. Et, portés par les cimes vertes et les bras orants des arbres, nous nous approchons parfois des morts aimés, ou du soleil.
Dans Cursives, Luc Blaison, guide ONF entre autres casquettes, nous remet les pieds sur terre, à travers le soin qu’il lui importe de donner aux forêts, à travers son histoire à lui avec les arbres, qui l’ont fait un peu griot aussi.
Mais la forêt, et nos songes aussi, nous mettent en face de nos labyrinthes, de nos impasses, de l’obscurité des nuits dangereuses. La violence du monde nous force à débroussailler la vie, parfois à la machette des mots, si l’on veut planter un peu d’humain, comme un drapeau d’apatride, parmi des arbres plus vieux que nos souvenirs sur la planète terre de douleurs.
On cherche avec les poètes des êtres disparus parmi les bouleaux, les érables, les pins, on pleure nos racines rompues, thrène en contrepoint des forêts qui se défont. La bonne nouvelle, c’est qu’elles se refont aussi, comme elles trouvent bon, même si dans longtemps, à leur rythme, nous dit aussi Luc Blaison.
Alors, quand nous feuilletterons ce Filigranes au papier tout simple, nous donnerons quelques pensées aux feuillaisons arrêtées qui font la pâte de toutes ces pages ; grâce à elles, quand nous refermerons ce numéro, les songes des uns-unes, les pensées des autres, tous nos mots se seront encrés, se seront parlé, auront donné à nos mondes intérieurs bien des couleurs, symbiose de racines et de branches comme dans les forêts.
Laure-Anne Fillias-Bensussan (juillet 2023)
Jean-Charles Paillet, Naissance entre les branches
Jeannine Anzian, Merlin
Jean-Jacques Maredi, Merveilles désenchantées
Chantal G. Blanc, Entre ciel et terre
Danielle Giboulet, Sous le banyan
Laure-Anne Fillias-Bensussan, La forêt de Birnam et autres contes
Gislaine Ariey, Sans titre
Arlette Anave, Planète de rêve
Marie-Christiane Raygot, Glissement du songe
La forêt comme espace initiatique Entretien avec Luc Blaison
Cursives est partie à la rencontre de Luc Blaison, qui travaille à l’ONF depuis 1992. C’est l’occasion pour nous de questionner dans ce numéro le mystère de l’arbre, objet d’exploitation pour la ressource en énergie qu’il apporte, objet d’interrogation comme possible solution face aux enjeux climatiques et aussi d’exploration spirituelle pour qui le voit comme sacré. Grâce à son cheminement, Luc se trouve aujourd’hui à la croisée de ces questions : il est l’héritier d’une longue histoire de la forêt française dont il assure la conservation ; participant à des projets de recherches sur la forêt d’aujourd’hui, en vue de se mettre au service de la forêt de demain, il est ainsi plongé au cœur de l’actualité. Il nous propose d’entrer dans son expérience de technicien, de scientifique et d’explorateur, qui s’est construite de manière parallèle à son chemin de vie et l’a finalement façonné.
Dany Schinzel, Plante les mots
Jacqueline L’Hévéder, Forêts paisibles
Michèle Monte, Ceci est un conte
Danielle Querol-Bonhomme, Lisières…
Michel Neumayer, Bas de casse
Chantal Arakel, Chimères
Anne-Marie Suire, La Poésie, le Monde.
Annie Skrhak, Dans la forêt lointaine
Olivier Blache, Dialogue avec l’Ange
Marie-Noëlle Hopital, Pâte feuilletée
Christine Ly, Parfois je m’amuse avec le ciel
Teresa Assude, Face à face
Christophe Forgeot, Chant des forêts
Anne-Claude Simon-Thevand, Plume chimérique
Oriane Barbey, Notre génie des bois
Anne-Marie Zucchelli, Forêts
Sylvie Mellet, Calligraphie hivernale
Xavier Lainé, Naïade entre les mots
Photographies : Anne-Claude Simon-Thevand, p. 15, 31, 45
Illustration de couverture : Anne-Claude Simon-Thevand
Maquette : Gislaine Ariey
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Nous poursuivons ici le cycle « Végétal ».
L’eau et la terre entretiennent avec la pousse infinie de la vie des arbres des rapports d’amour/haine. Dans ce numéro 112 de Filigranes nous choisissons l’élégie et notre appréhension de la fable de La Fontaine réserve des surprises au lecteur. Celui-ci est appelé à s’identifier aux personnages que La Fontaine a campés pour illustrer un paradoxe : « C’est le plus fort qui est le plus fragile », opposant faiblesse et puissance dans un de ses dialogues ordinaires où il affronte la cour de Louis XIV. La logique serrée de la fable a peut-être éloigné les auteurs. Ont-ils préféré prendre des chemins de traverse plutôt qu’affronter le dénouement qui condamne le chêne à périr ?
Ils deviennent ici spectateurs de la nature, se cachent dans les arbres, partagent la vieillesse et la finitude, s’émeuvent du destin qui attend le chêne malgré́ la majesté de son feuillage. Ils se cachent dans ses bras maternels, s’identifient au dieu totémique paternel. Survivent dans ce temps qu’ils espèrent immobile. Ils projettent dans l’écorce, dans les noyaux, dans les pépins, le renouvellement, la fertilité́, la revanche de la vie sur la mort. La sève peut donner l’encre, le calame et la plume l’outil.L’écriture se dessine, en ombre et lumière, dans la profusion de la forêt, et même sur les façades des villes. Plutôt qu’une opposition du plus fort au plus faible on a des épousailles. Le dialogue négocie le miroir, la main devient verte et la fleur survit au béton.
On arrose toute cette beauté, on renifle son odeur, on la goute, on apprend des saisons qu’elle peut, comme nous, disparaitre. Souplesse et stabilité font plutôt bon ménage puisque tenir droit vous expose à la mort. Comme si la tempête éclatait le végétal pour lui donner la forme de nos rêves. Comme si sa naïveté nous protégeait d’une puissance meurtrière. Rester debout ne donne aucune garantie.
(Édito Arlette Anave)
Sommaire
Fragiles ?
Teresa Assude,Traversés par le vent
Thierry Hamy, Les copeaux de l’être
Jacqueline L’Hévéder, Impressions, ciel gris
Agnès Petit, Poussée vespérale
Antoine Durin, Le chêne, le roseau et les gens de la fontaine
Arlette Anave, Une page à soi
Olivier Blache, Sous l’ombre du vieux chêne
Fables
Jeannine Anziani Le grand Pin et la Cigale
Xavier Lainé Où je deviens chêne
Annie Christau Amandier
Chantal Arakel Le refuge de Doucin
Anne-Claude Simon-Thevand Voilà qui je suis
Chantal Blanc Le chêne et le brin d’herbe
Gislaine Ariey La pomme de terre
Marie-Christiane Raygot Une espèce de concordance
Bernard Bienaimé Entre deux morts & Si j’avais un arbre
Cursives
Entretien avec Michèle Monte, Chemins vers le poème
Version longue pour le site Entretien Michele MONTE -15-02-2023
(Merci de citer ce texte avec la référence https://filigraneslarevue.fr/2023/06/15/n112-le-chene-et…getal-vol-2-2023/
Le regard de Thierry Hamy, calligraphe, Une « mauvaise herbe » et un « parasite »
Grains de temps
Jean-Jacques Maredi, In deserto mundi
Laure-Anne Fillias-Bensussan, Débris de vert
Dominique Hébert, Humus
Anne Barbusse, Avril plein
Michèle Monte, Entrez dans la ronde
Marie-Noëlle Hôpital, Vertes lianes et blancs rubans
Claude Ollive, L’arbre
Michel Neumayer, Déjeuner de couleurs
Anne-Marie Suire, L’arbre-momie
Calligraphies, Thierry Hamy
Illustration, Thierry Hamy, couverture
Maquette, Gislaine Ariey
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Créer en Éducation nouvelle – Savoirs, imaginaires, liens au coeur des ateliers d’écriture et de lecture – Michel Neumayer (Chronique sociale)
Michel Neumayer (sous la direction de) a été enseignant puis formateur d’adultes. Il contribue au développement des ateliers d’écriture et de création en France et dans plusieurs pays. Il est membre du Groupe français d’Éducation nouvelle (GFEN) et éditeur de la revue Filigranes. En collaboration avec Marianne Fontaine, Pascale Lassablière et Nathalie Rasson.
Cet ouvrage épouse la forme d’un livre de pédagogie et c’est parmi les pédagogues qu’il trouvera certainement ses premiers lecteurs. Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Si de pédagogie il y est question, c’est comme acte de création qu’on l’évoquera. Si la création est le propos, c’est comme passage de culture, d’œuvres, de patrimoine humain qu’on en parlera.
Entre pédagogie et création, la matière de notre écriture, ce sont nos vies, leur mise en patrimoine puis leur transmission, mille et une manières de les contenir et les préserver du temps, dans la compagnie des mots. Notre trésor, c’est la mémoire. C’est l’archive. Ce sont nos multiples dossiers, nos prises de notes, les productions que nous avons collectées au fil des années des animations et des engagements. Au cœur de tout cela se nichent tant d’interrogations encore que, par manque de disponibilité ou de force, nous n’avons pas encore su ou voulu remailler. Comment nous y atteler, avec quels outils, quels concepts ? Ce sera l’enjeu de ce livre.
Celui-ci se subdivise en quatre parties : le socle, l’accueil dans l’écriture, pourquoi écrire et des laboratoires. Elles décrivent des ateliers et enquêtent sur des types d’animations.
« 15 ateliers pour une Culture de paix » « La paix est entre nos mains » ! Pourtant, le monde est violent et inégalitaire. Les guerres sont encore et toujours actuelles. La Culture de paix, concept développé par l’UNESCO, est une réponse à cette négativité contemporaine. Faire naître l’espoir en chacun, enfant, adulte, parent, éducateur, enseignants, citoyen, susciter le désir d’entreprendre pour que vivre ensemble sur une même terre soit possible, tel est l’enjeu des pratiques (ateliers d’écriture, réflexions, ateliers de construction de savoirs) décrites dans cet ouvrage.
Relever les défis de l’Éducation Nouvelle 45 témoins démontrent, à travers leurs parcours, qu’une action émancipatrice est possible. Des défis semblent parfois impossibles à relever, pourtant ils le sont. Simplement parce que des hommes et des femmes se réunissent, s’engagent, prennent l’éducation au sérieux, en tous lieux. « Vraiment au sérieux », écrit Philippe Meirieu dans la préface. « Pratiquer le dialogue arts plastiques, écriture « Animer un atelier d’écriture – Faire de l’écriture un bien partagé« La présentation de l’ouvrage (cliquez ici…) « 20 ans d’ateliers d’écriture », article d’Odette et Michel Neumayer, « Comme un autre dans la ville », un projet d’écriture collectif
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Nous ouvrons notre cycle « végétal » avec un numéro « humus ».
Ce mot fleure bon les sous-bois humides, où les champignons poussent leurs têtes parmi les feuilles mortes en lente décomposition. Et c’est bien notre rapport à la terre nourricière que plusieurs textes viennent interroger : il s’agit, par l’écriture, de tisser des lie ns avec tous ces insectes, ces bactéries, ces micro-organismes qui ont transformé les roches en un sol nourrissant (1), accueillant aux graines et aux spores, il s’agit aussi de s’inquiéter des actions humaines qui mettent à mal ces processus complexes d’échange et de transformation.
Avec ce numéro, nous nous redécouvrons comme terriens, tirés du sol 2, et nourris par ce qui y pousse et que nous cueillons ou cultivons. Mais cette terre maternelle n’en demeure pas moins mystérieuse puisqu’elle est matière hors langage et qu’il faudra tout notre travail d’écriture pour la mettre en mots, la rapprocher de nous tout en préservant sa spécificité.
Certains apprennent à son école la patience de la germination, et, le regard posé sur le sol ou les herbes, s’émerveillent du dépliement des jeunes feuilles, de l’éclosion des plus humbles fleurs. D’autres, levant les yeux au ciel, se découvrent frères et sœurs des arbres.
De l’humus à l’humain, il n’y a qu’une syllabe d’écart, et cette plongée dans le sol, autant qu’elle nous confronte à notre mortalité, ravive la question de nos racines, de ces éléments fondateurs qui ont permis notre croissance et notre maturation.
Contemplant le végétal, nous consentons à la lenteur, et, alors que notre vie nous emporte vers une fin inéluctable, nous cherchons à entrer dans l’intelligence des cycles, des élans et des déclins qui se succèdent et recommencent. Peut-être y a-t-il en nous une Perséphone 3 qui s’ignore et voudrait quelques semaines par an pouvoir hiberner, se cacher dans les plis de la terre pour y reprendre des forces, se recentrer sur ce souffle irréductible qui nous anime notre vie durant et que nous laissons s’épuiser à tous les vents qui nous malmènent ?
Mais nos textes prennent aussi racine dans les langues, les poèmes et récits qui nous ont accompagnés depuis notre venue au monde. La terre, la langue, deux milieux nourriciers ; de les penser ensemble, la langue devient une ressource et une matrice d’où notre parole peut s’élancer, la terre se met à bruire de tous les mots et mythes qui cherchent à en dire tour à tour la puissance et la fragilité.
Et toi, lecteur, lectrice, va ton chemin, butine de texte en texte, laisse-toi prendre par les voix qui s’y répondent sous la mousse, par l’ombre et le soleil qui y jouent entre les feuilles, par les réponses balbutiées et les questions toujours ouvertes.
Michèle Monte
1 Marc-André Selosse, L’origine du monde, une histoire du sol à l’intention de ceux qui le piétinent (Actes sud, 2021).
2 Dans la Genèse, l’auteur rapproche le nom commun adam de adama, « la terre », comme si adam voulait dire « le terreux », mais en réalité, du point de vue linguistique, c’est adama qui vient de adam, l’adama est le lieu qu’habitent les adams.
3 Dans la mythologie grecque, Perséphone, fille de Déméter, la déesse des récoltes, est enlevée par Hadès, le dieu du monde souterrain, qui l’épouse, mais sa mère menace de faire périr toute la végétation si Perséphone ne lui est pas rendue. Zeus arbitre en disant que Perséphone passera quatre mois sous terre avec son époux et huit avec sa mère.
Sommaire
Michèle Monte, Éditorial 3
Pétris de terre
Chantal G. Blanc, Je voudrais être un arbre 5
Agnès Petit, Imprégnation 6
Anne Barbusse, Germination des mondes 8
Jeannine Anziani, Sans Hâte 10
Gislaine Ariey, Souviens-toi 12
Chantal Arakel, Entre deux rives 13
Charme(s)
Marie-Noëlle Hopital, Saule pleureur 14
Christine Ly, Nature Souterrienne 15
Sylvie Mellet, Crocus 16
Marie-Christiane Raygot, Terra nostra 18
Xavier Lainé, Plume trempée au sang de la terre
Cursives
Quarante ans ou presque d’une revue d’écritures
Un témoignage de Michel Neumayer 24
Lire Cursives en PDF
Affv2 111 DEF cursMN copie
Sites et liens 33
Ronde du temps
Olivier Blache, Dans la brume du matin 35
Laure-Anne Fillias-Bensussan, S.P.I.S. 36
Michel Neumayer, Partage des eaux 38
Arlette Anave, Lange drapeau 40
Annie Christau, Terre 43
Teresa Assude, Humbles brumes 44
Paul Fenoult, Noirceurs 45
Anne-Marie Suire, Emprunts 46
Jacqueline L’Hévéder, Morte saison 49 *
Michèle Monte, À l’insu 50
Georges Xuereb, Écrire à haute voix 52
Photos
Monique D’Amore 23, 42
Olivier Blache 22
Teresa Assude, couverture et 34
Odette Neumayer 48
Suite à une erreur de mise en page,
voici le texte intégral de Jacqueline L’HEVEDER
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(Un hommage lui est rendu ici :
https://advitam.fr/app/memoire/maryvonne-paul-1943-2022/hommages)