Fili 114 « Vents de debout – (Résistance – vol 1 – 2024)


Vent debout

 

« Mais si dure ou héroïque que soit la résistance, elle se condamne à l’échec, si elle s’enferme dans une logique d’affrontement, sans développer aussi et surtout de nouveaux mondes, ici et maintenant »    Résister, c’est créer (Florence Aubenas, Miguel Benassayag)

 

L’insupportable – Tenir bon – Paroles à prendre

De registre en registre, ici même s’expriment bien des refus. Les colères sont tantôt rouges, tantôt noires. Nombre d’émotions s’offrent à lire au cœur du premier numéro d’une série de trois dont l’objet est d’explorer le terme de RÉSISTANCE. Dans « Vent debout », bien des textes font écho à ce qui est émoi en nous, à ce qui brûle. Aux mille-et-un lieux où se niche l’inconcevable. Bien des choses nous affectent : en refus, nous écrivons !

Il arrive de certains évènements que nous en soyons les témoins directs. D’autres faits, quand ils sont plus lointains, souvent nous parviennent par nos médias. Chaque fois différentes questions surgissent. Qu’est-ce qui nous émeut : ce qui est proche, ce qui choque, ce qui surprend ? Mais aussi, contradictoirement, qu’est-ce qui tue l’émotion : le trop plein d’informations, la recherche du sensationnel, le tourniquet des « narratifs » qui de semaine en semaine balayent écrans et unes ?

De ce terme de RÉSISTANCE, pourtant médiatiquement si facilement cuit et recuit, certains aspects nous semblent, par facilité, trop souvent négligés. Disons-les ici !  Résister, c’est créer du lien et se réunir en sororité et fraternité. C’est penser non l’unique, mais le deux, mais le trois. Ce n’est pas toujours s’arcbouter.

Résister, à nos yeux de femmes et d’hommes épris de lettres, c’est encore et surtout, à bras le corps, ici et maintenant imaginer et inventer !

Dire l’insupportable, évoquer des images traumatiques, affirmer le « non », tenir bon, tels sont quelques fils à dénouer, quelques mobiles à écrire à déceler au cœur de ce numéro.

 

Mais nos textes, nos créations, nos écritures, ces chemins que nous empruntons, ne seraient-ils que langagiers ? Parole, parole, chansons sous le mauvais vent, nous opposeraient certains. Affects sans effets sur le monde, ajouteraient-ils, éloignés des conflits de faim et de froid qui, plus que jamais, ruinent nos sociétés, qui touchent nos enfants en attente d’amour, mais trop souvent aussi de nourriture. Et encore songes et utopies qui traversent l’esprit de nos compagnes et compagnons, chaque fois que le besoin d’histoire, de langue et de culture veut faire barrage à un monde toujours aussi violent. Dénoncer l’hubris, traquer d’insupportables obscurités, briser les camisoles, détacher des harnais, vendre les mèches, refuser de consentir, révéler ce que nous savons, cela, en effet, suffit-il ?

Convenons que ni l’amertume ni la tristesse ne font, à elles seules, un monde où vivre et écrire vaudrait. Ainsi convient-il d’énoncer tout autant notre besoin d’espoir, d’affirmer que d’autres espaces sont possibles. Ceux-ci, appelons-les RELATION, dans ses riches acceptions de récit ou raconte, mais aussi de lien ou connexion avec « l’autre », le différent. Aussi, à notre mesure, que nos textes soient messages d’alerte, bouteilles jetées à la mer. Seront-ils entendus ? Qui le sait.

À vous, lectrices, lecteurs, de ramasser nos flacons, nos fioles, nos gourdes, nos bouillottes, nos dames-jeannes quand vous parcourrez nos plages et nos pages. À vous de les replacer en vos jardins, de faire pousser toutes nos fleurs en vos proches terres nourricières ! MN (30/03/24)

 

 

Sommaire

 

Cursives

L’écriture comme chemin

Colette Gibelin est née en 1936 à Casablanca, au Maroc, où elle a passé son enfance et son adolescence. Elle est venue ensuite en France pour faire ses études supérieures. Nommée professeure de Lettres à Fès, en 1961, elle quitte le Maroc en 1967, et s’installe dans le Var. Elle a publié près d’une quarantaine de recueils de poésie. Elle vit près de Brignoles, à Camps la Sour ce, où elle a organisé un festival de poésie de 2015 à 2019. Elle a aussi fondé la librairie Le Bateau blanc à Brignoles et participé plusieurs fois au festival des Voix vives à Sète.

Premier crocus
illuminant le jardin
comme bouteille à la mer
Il faut y croire encore une fois
Même si l’espoir
n’est qu’un grand soleil fou
que la nuit, la goulue,
happera comme une huître
Comme un chant de fontaine,

(éd. Alain Benoit, 2002)

Ressac
Le vent s’égare dans les mâts et les voiles
Et toi, je te regarde encore,
ô déjà consumée,
dans ce lieu sans visages
au-delà de toutes les rives
vers ces frontières noires où je dérive
On ne s’habitue pas

(Éd. Les lieux-dits, 2022)

 

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Colette Gibelin version longue pour le site