« Le fer se rouille faute de s’en servir,
l’eau stagnante perd sa pureté et se glace par le froid.
De même, l’inaction sape la vigueur de l’esprit. »
Léonard de Vinci, Codique Atlantico.
À première vue, pas de tension visible, pas de problématique apparente et forte dans cet intitulé. Mais écriture oblige ! Elle nous invite à plonger dans les détails, elle ouvre sur des descriptions d’organisations extraordinaires, sur des champs qui se croisent et s’étagent, sur des arrangements de plans qui nous échappent et elle laisse présager des abîmes de complexité. C’est sa force. C’est son risque. Sans nul doute, la création est le propre de l’homme, mais il ne le sait pas ! Une sorte d’oubli machinal l’a envahi. Pourtant, ces univers ne se sont pas faits tout seuls. Il a fallu les créer, siècle après siècle, jour après jour, heure après heure, au prix de quelle sueur grise ? Qui dira l’inventivité, les mille et un tours de main et savoir-faire recelés par l’adjectif « industrieux », si obsolète et précieux ? Comment et sous quelles formes signifier que, malgré les arts et le patrimoine accumulés, on souffre encore de non reconnaissance, on hésite entre corvée et fierté ? On en appelle à l’écriture ! Elle s’invente à l’usage, elle amène à penser. Même si le malentendu guette, le vécu mis en mots témoigne. C’est une gageure acceptée que de faire tenir en quelques lignes des mondes si vastes ! Dans cet essai de dévoilement de l’infime, de l’invisible du quotidien, on joue sur l’ombre et la lumière des portraits, des monologues intérieurs. On reste modeste. On sort par l’humour de l’indicible et du banal, on tente d’inventer l’avenir, de prendre de la hauteur. On raconte comment, dans l’adversité sociale, l’expérience humaine est niée ; l’intelligence investie dans des gestes et des outils muée en aliénation. On dit l’impuissance à penser l’activité. La polysémie du mot travail ajoute à la difficulté de parler de ce qu’on y fait, de ce qu’on y produit, des liens que l’on y tisse. Au risque du contresens, « industrieux » et « industriel » s’amalgament et se contaminent. Heureusement, le récit dit tout cela. Le poème s’indigne. Hommage est rendu. Puisque l’homme semble ignorer que la moindre de ses pensées peut entraîner des révolutions, les textes sont là pour rendre justice.
Odette et Michel Neumayer
Carnoux, le 16 mars 2008
Sommaire
L’AVANT-SCENE
Noëlle DE SMET Alors pour lui 5
Mireille GRIZZO Travaillent-ils ? 7
Jeannine ANZIANI Macaroni 10
Jean-Claude BARILLOT La liseuse de souvenirs 13
Richard CABANES, Nicoll NISCOTCH Chômeurs de longue durée 14
Laure-Anne FILLIAS Vademecum du pédago au fourneau 16
Michel PERDRIAL La chômeuse 19
CURSIVES
Chemins de vie et d’écriture
Entretien avec Pierre RABHI,
agro-écologiste et essayiste. 21
UNIVERS D’ACTIVITÉ
Claude OLLIVE D’hier à aujourd’hui 29
Françoise SALAMAND-PARKER Sur la paille 30
Anne-Marie SUIRE à crier dans le désert 32
Marie-Noëlle HOPITAL Décennie militante 34
Nicole BRACHET Ode 36
Roland VASCHALDE La moissonneuse-batteuse 37
Chantal BLANC Entre cassure et réparation 38
Aliette JOUBARD Hair 40
Nicole DIGIER Maya l’abeille 41
MOTS MATIÉRE
Pierre TORRES Résurgences 43
René COHEN Splendeurs du désarroi 44
Bernard-Henri MAYAUDON La main caresse le lin blanc 46
Any SOUCHOT Naître de la terre 48
Odette NEUMAYER Transaction 49
Jean-Jacques MAREDI Vau-l’eau 50
Paul FENOULT Ou esthétique du par-dessus tu 52
Christiane RAMBAUD Le temps au travail 53
Arlette ANAVE Un lendemain qui chante 54
Agnès PETIT Voie filée 55