Marie-Christiane Raygot


Lettres de Marie-Christiane Raygot, poète, auteure de Filigranes

 

« Le plaisir de recevoir une lettre ne se distingue pas tellement de celui d’en envoyer »
Lettre du 16 octobre 2017

 

«Après une période de clôture, de mutisme … On est à sa vie de tous les jours sans penser à la poésie et tout à coup quelque chose vous arrête. Qu’est-il arrivé ? Rien ou presque – rien n’a changé, pourtant et soudain, par quel miracle, tout peut faire signe et se met à parler. Les mots surgissent là ou s’était créé un vide dans l’espace mental. »
Lettre du 25 août 2008

 

 

« Je travaille. Á force, je vois un peu, parfois » (citation d’Antoine Emaz) me rappelle cette brume opaque où j’avance les mots « essayés » qui devront laisser la place probablement à d’autres, qui ne sont ni sûrs de leur identité, et encore moins de leur destin . « Je laboure et je vois après ce qui a été retourné » C’est encore cette proposition d’aventure , d’inexploré qui nous est donné, ou peut-être que l’on recherche parce que la séduction du secret joue toujours quand on écrit. L’inconnu est un personnage tentant, savoir ce qu’il risque de nous apporter. C’est sans doute une masse de possibles sans fin et le poème n’est qu’une suite de connexions dans cette confusion, et l’on ressent ce besoin de retourner, de ressasser pour y voir plus clair. Enfin essayer… car parfois à trop creuser le mot casse, l’idée s’évapore et l’on n’a alors ni la clé, ni la maitrise. »
Lettre du 29 septembre 2014

 

 

« En prose la poursuite d’une seule ligne peut renforcer la proposition, mais aussi peut tout casser. Alors déblayer, déblayer, on ne dégagera jamais assez. Quel poète a dit « le manque est moteur ». Il sait qu’il ne doit pas s’encombrer et que ce « manque » est le substrat de son poème. »
Lettre du 10 mars 2013

 

 

« Je veux trouver encore quelque intérêt à coudre et à découdre la sagesse ou la folie de ce monde. Ce n’est pas regain d’orgueil, mais la traduction d’une nécessité essentielle si l’on veut multiplier les occasions d’émotions, de passions, de vibrations et donner à la poésie toute sa puissance. Ce serait comme allégement fallacieux sans doute s’il suffisait de penser que l’expérience poétique est close lorsqu’on a pris seulement soin d’aligner mots et idées sans autre souci… Tu le sais aussi : nous nous trouvons dans un état d’extrême nudité devant la page blanche, il suffirait d’un souffle pour que tout soit défiguré, saccagé, le miroir nous renvoie l’image d’un pauvre orphelin et bien qu’on le sache nous marchons crânement vers ces ilots de confiance, la plupart du temps en trébuchant et qu’il faille toujours recommencer, comme aux premières lignes, est bien signe de notre faiblesse. »
Lettre du 2 avril 2015

 

 

« Une simplicité de l’écriture, pas d’affectation pour une langue recherchée, on écrit au ras des sensations, avec une certaine spontanéité qui offre son éclat et l’on choisit des sujets de la vie ordinaire, un ciel se préparant à l’obscurité. Ce serait réduire de ne dire que cela, mais cette dimension du quotidien, de la beauté offerte, est fondamentale…
Il n’est jamais trop inutile de revenir au classique, ce qui demeure un socle, et que le temps n’a pas fatigué ».
Lettre du 27 janvier 2017

 

 

« Avec les « poèmes sans prétention » il arrive qu’ils servent de gammes. Le grand concerto viendra plus tard, plus généreux dans un paysage tout inconnu au sein même du réel pur. Cette expérience toujours imprévisible parce que toujours instantanée – Vide et plein du sens où tout surgit à la fois : monde, identité, langage et dont nous sommes les servants, les esclaves. « Cette expérience qui m’a rendue consciente de ce que j’appelle réalité… à côté de quoi rien ne compte » Virginia Woolf.
Lettre du 3 septembre 2019

 

 

« L’intensité trouve au cœur des textes courts la veine dure de son existence. C’est aussi ce qui est et fait la force de la poésie – même si le développement, le lyrisme peut nous faire palpiter. »
Lettre du 4 décembre2019

 

 

« Trop descriptif, trop explicatif, trop de rien, d’inutile. Faut-il repartir à zéro ? Je sais qu’essayer le raccommodage ne marche pas. Quand c’est raté, rien ne sert de reprendre, la muse n’étant pas là, mieux vaut tourner la page. Trouver une autre voie et même voie. »
Lettre du 18 novembre 2019

 

 

«  J’aime ce degré de conscience qui amène au jugement et fait mettre sur sa propre production une appréciation sincère, à peine aveuglée (car on l’est toujours un peu) et oblige à maintenir cette distance avec ce que l’on écrit. Mais à ce stade on n’y parvient qu’avec le temps… Je crois que la lecture abondante n’y est pas étrangère. Le regard s’y aiguise. »
Lettre du 12 janvier 2020

 

 

« Je voudrais encore un peu dire – forcée dans ce sentiment d’urgence – Ce qui vient aux lèvres n’est pas forcément ce qu’on voudrait et attendre risque de tout faner. C’est tellement dilué déjà tellement clignotant qu’on se dit parfois qu’il faudrait laisser la vie à son point de silence. Et puis non ! On reprend. »
Lettre du 10 juillet 2020

 

 

 

Contribution pour Radio France à la demande de Jean Morzadec
« Tenter de démasquer ce que cachent les grandes et petites mystifications du temps. Oublier les ailleurs périssables de la mémoire. Pourtant, patiemment étayer la vie d’un lointain tout proche. « Dans l’eau du temps qui parle à petits mots » (Norge) prendre terre, prendre parole, à l’aventure, à l’aveuglette, jetant les petits cailloux-poèmes, qu’ils donnent équilibre au chemin de terre meuble pris de broussaille, de bégaiement, effacé chaque jour, mais pas totalement, pas éternellement. Ici, rêvant d’un état de grâce, entre désir et doute, dans l’ombre des friches de sa propre histoire quelqu’un attend ».
29 février 2002

 

Publié dans Les cahiers Froissart N°90
« La poésie c’est aussi le choix, la multiplicité dans les perspectives, elle est aussi la liberté… Mais, on n’imposera jamais l’énigme et la beauté du poème. C’est à chacun d’y ouvrir son chemin… »

 

Marie-Christiane Raygot a aussi accordé un entretien à Filigranes
Cursv Marie Christiane Raygot n°28@