« Je suis née dans une famille italiano-russe où le maître mot était : créer et être soi-même » (Dominique Lombardi)


 

« Je suis née dans une famille italiano-russe où le maître mot était :
créer et être soi-même »
Un entretien avec Dominique Lombardi, écrivaine, journaliste, cinéaste…

 

C’est dans un tourbillon de pratiques créatives que nous entraine Dominique Lombardi, tour à tour écrivaine, reporter de guerre, cinéaste, musicienne et collection-neuse d’objets de toutes sortes. D’où vient cette « folie créatrice » ? Est-elle conciliable avec une vie d’épouse et de mère ? Le lecteur de Filigranes découvrira au fil de l’entretien ce qui fait lien et qui s’appelle chez Dominique Lombardi « désir de vivre intensément », « rapport à l’autre » et quête de ce que l’Histoire et sa grande hache » (Perec) nous a ravi ».

 

 

 

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Entre stylisme, journalisme et cinéma

Filigranes : Tu as, très jeune, multiplié les activités…

Dominique Lombardi : Oui… Autour de 1980, j’ai créé Galène Roucas, une marque de stylisme, ayant été à bonne école avec des parents plasticiens, et aussi parce que j’aimais dessiner ! J’aimais les vêtements originaux. Même si je ne savais pas coudre, j’ai appris sur le tas, je me suis fait des vêtements, ça a plu à des copines.
Mais j’ai aussi très vite publié dans les journaux et magazines. Dans Pupitres, d’abord où j’étais rédactrice en chef adjointe. Le mag avait été créé par une copine et s’occupait de la pratique amateur (musique essentiellement classique). Elle cherchait quelqu’un qui ait des notions de musicologie. Dans Le journal du sida, pour l’ami d’un voisin qui cherchait des
correspondants en province. Dans Marseille information. Je connaissais quelqu’un, qui connaissait quelqu’un, qui connaissait quelqu’un et j’y ai écrit, sans faire pour autant partie du personnel de la mairie. Sur des sujets très politiques quand même. C’est moi qui les choisissais, après on me disait oui ou non. Le seul truc : « citer cinq fois la Ville de Marseille ».

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L’ouverture vers l’humanitaire

D.L. : L’écriture, la seule matière scolaire où j’étais forte, a toujours été très importante pour moi. J’avais de bonnes notes mais qui baissaient à cause de l’orthographe. On me disait : « Quand on fait des fautes d’orthographe, c’est qu’on est inculte ou qu’on ne lit jamais ! ». Ce n’était pas mon cas, mais bon…

J’ai continué avec des livres. En 1994, 1–2–3 Savine (Éditions de l’Aube), un livre sociologique pour la mairie (DSU), mais réalisé par une personne qui « ne fasse pas peur » aux personnes interviewées. Il s’agissait d’écrire avec les habitants de la Cité de la Savine avant la démolition de plusieurs bâtiments. C’étaient des femmes de diverses communautés qui me racontaient leur arrivée dans ces immeubles. La plupart venaient de quartiers très pauvres, voire de bidonvilles. D’un coup, La Savine, pour elles, c’était le bonheur : salle de bain, chauffage… Mais, contrairement aux sociologues, moi je re-rédigeais et j’en faisais des nouvelles. Le but était que les histoires de ces gens deviennent les histoires d’autres gens, une transmission de récits, pas comme une étude savante. Les textes étaient relus à ces personnes et souvent c’était : « Non, la tapisserie n’était pas verte mais bleue ! ». C’était important pour elles.

Puis, en 1997, il y a eu Cuisines sur rues (1997 – Éd. Bureau des compétences et désirs). La commande était de faire une étude sociologique de la Délégation aux Droits de la femme mais en prenant le parti d’en faire des nouvelles. Douze histoires, douze femmes, douze origines différentes : Russie, Comores, Algérie, Arménie…

Une même question : « Racontez-moi une histoire d’un jour de fête avec les recettes de cuisine qui vont avec ». Les jours de fête ? Baptême, mariage, Noël, l’Aïd ou le retour de quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis longtemps. Les recettes comoriennes étaient les plus compliquées parce que tu ne trouves pas les ingrédients ! Elles disaient : « tu remplaces ça, par ça », oui, mais c’est quoi « ça ? »

En 2000, C’est la faute au soleil (Éd. Bureau des compétences et désirs), à la demande de la bibliothèque de Peynier pour un travail avec le club 3ème âge et la Fondation de France. Le procédé était le même : douze à quinze personnes du club me racontaient des moments importants de leur vie entre 1932 et 1952 et encore avec les recettes de cuisine qui vont avec (parce que moi, j’aime bien manger) ! Donc il y avait les pieds-paquets de la Libération, la visite du ministre à l’école pendant le Front Populaire, etc.

Fili : C’est la petite histoire dans la Grande…

D.L. : C’est ce qui me plaît dans tout ce que j’ai fait. Ce sont les choses que les gens ont perçues qui n’ont pas de rapport avec la Grande Histoire, sauf qu’ils se sont pris la Grande comme un mur dans la figure et je mets en forme comment finalement s’en accommodaient. Par exemple, on apprend à manger de l’écureuil. Des lecteurs m’ont dit : « C’est un scandale ». Oui, mais comment expliquer que pendant la guerre, on mange ce qu’on a sous la main ?

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