Traductrice…   Entretien avec Myrto Gondicas


Cet entretien est paru dans
Filigranes n°42
« Balade chez les Anciens » Janvier 1999

 

Filigranes a rencontré Myrto Gondicas, traductrice. Comment devient-on traductrice ? Quel est le projet du traducteur, quel est celui de l’éditeur ? Que signifie « traduire » ? Quelle serait la juste distance
avec les textes anciens ? Que signifie rendre « lisible » un texte pour un lecteur contemporain ? Voici quelques unes des réflexions qui, à n’en pas douter, feront écho.

 

Filigranes : Myrto Gondicas, tu es traductrice et tu as travaillé pour différentes maisons d’édition. Combien d’ouvrages as-tu traduits ?

Myrto Gondicas : J’ai traduit deux ouvrages de l’américain mais mon activité a été surtout consacrée à la traduction d’œuvres en grec ancien. J’en ai traduit six dont deux en collaboration.

« Histoire d’un bébé »

Filigranes : Comment en es-tu venue à la traduction « professionnelle » ?      

M.G. : Par des rencontres, par des hasards heureux. La première fois, c’était pendant une des périodes difficiles de ma vie. J’ai revu quelqu’un que j’avais croisé et que mon frère avait croisé quand nous avions tous les deux douze ans, dans une perspective d’orientation scolaire, et aussi parce qu’il faisait des recherches sur les jumeaux. C’est René Zazzo, le psychologue connu du grand public pour ses recherches sur les jumeaux mais qui s’est intéressé à beaucoup d’autres sujets, quelqu’un de très curieux, de très ouvert et de très intéressant. Quand je l’ai revu, cela m’a fait beaucoup de bien. Et puis un jour, il m’a dit qu’il dirigeait une collection aux PUF, ainsi qu’une revue, la revue « Enfances ». Un jour, il a eu connaissance d’un projet de traduction d’un ouvrage américain dans cette collection et il m’a dit : « Est-ce que cela vous intéresserait de traduire un ouvrage de l’anglais ? ». A cette époque, j’étais très mal, je ne faisais rien de la journée et j’ai dit : « Ah, oui, beaucoup. Merci. » Il m’a dit : « Bien, allez-y. »

L’ouvrage était intitulé « Histoire d’un bébé ». Il s’agissait la contraction, pour le grand public, de ce qui avait été la thèse d’une psychologue américaine de la fin du siècle dernier. Le matériau, c’était l’observation des stades du développement d’un bébé. L’auteur avait pris un bébé de sa famille, une nièce, je crois, entre 0 et 1 an, et avait fait une sorte de journal très vivant, très intéressant, avec quelques passages un peu plus techniques, des allusions aux théories psychologiques de son époque. Zazzo m’a beaucoup aidée. Il a revu et relu tout ce que j’avais fait. Pendant à peu près un an donc j’ai vécu avec ce bébé, et lui aussi d’ailleurs. Zazzo m’écrivit un jour dans une lettre que nous avions vécu tout ce temps avec Ruth, le bébé, qu’elle avait fini par devenir un personnage que nous aurions pu connaître pour de bon. Au moment de la parution de la traduction, il me fit la remarque qu’étant donnée sa date de naissance, Ruth aurait pu être là, quelque part, puisqu’elle aurait eu quatre-vingt dix et quelques années !

Voilà la première occasion que j’ai eue de traduire un livre. C’était complètement inattendu et en même temps, c’était une expérience très intense. La deuxième occasion s’est présentée de manière plus classique, mais aussi par hasard et par amitié. (.)

 

Lire la suite...

Myrto Gondicas n°°42