Hommage à Odette Neumayer


 

Le 7 septembre 2013
nous avons accompagné Odette Neumayer,
co-fondatrice en 1984 de Filigranes
dans sa dernière demeure
au coeur de la campagne aubagnaise,
au milieu des pins
du cimetière de Fenestrelles

Nous l’avons fait, les uns par la pensée,
les autres, ceux qui habitent en Provence,
en venant lui rendre hommage, lui dire un mot,
lui témoigner de notre très grande tristesse.

Odette se savait atteinte d’une maladie sans merci,
elle s’étonnait que tant de personnes lui témoignent leur affection,
elle se voyait comme une parmi bien d’autres
oeuvrant pour un monde plus juste,
pour une école qui émancipe,
pour une écriture qui honore les femmes et les hommes
dans leur vie et leur histoire. Ni plus, ni moins.

Odette avait la conviction qu’il faut soutenir ceux qui savent que les échanges,
la création, le partage sont porteurs d’avenir.
C’est à cette source qu’elle puisait son infatigable énergie,
sa ténacité, son enthousiasme communicatif.
C’est cette source qui irrigue et irriguera longtemps encore… Filigranes.

À présent notre travail de deuil commence et notre peine est profonde.

Filigranes
Les enfants d’Odette, ses frères et sa soeur, ses petits-enfants
Michel, son compagnon

 

 

 

——

 

Notre couvert est mis

Quelque part
Ailleurs
Loin d’ici
Près de nous
Dans ce pays d’or et de paroles cisélées
Qu’on dit amitié
Notre couvert est mis
Tes hôtes s’assoient un à un
À tes côtés
Le cristal des verres guette impatient
L’envol du partage

Christian Alix (octobre 2013)

 

 

Ma très chère Odette

Je suis partie avec Ithaque(1)
Pour te le lire
Là-bas, les pieds dans l’eau
Mais cela ne convenait pas

Alors, j’ai mis Ithaque
Dans ma poche
Jusqu’à trouver l’endroit

Le ciel, la mer
En hauteur, dans ce bleu immense
Une petite chapelle blanche
La clé est sur la porte

Dedans, J’allume une bougie
Dedans, je trouve de l’encens
Dehors, je fais un nid de pierre
J’allume l’encens dedans
Et je te lis Ithaque
Et je t’entends me le lire
Je reste longtemps là
Avec toi

 

Tu es quelque part par là
Dans les petites cyclades
Ton bateau est arrivé
Le linge sèche
Aujourd’hui, j’ai repeint ta maison

Je t’aime énormément

 

Karyne

(1) « Quand tu partiras pour Ithaque »
Poème de Constanin Cavafy
Traduction Marguerite Yourcenar

 

 

Muter

« Mourir pour renaître à mon nouvel état »
disais-tu il y a un an dans un texte de la revue
Passer d’une forme à l’autre, d’une Présence à l’autre
Depuis longtemps, tu savais…
Mais on ne voulait pas vraiment entendre

C’était trop bien de te voir animer les séminaires – côte à côte avec Michel –
Alternativement souriante et impérative sur les horaires, à l’écoute et poursuivant ta pensée
Impossible d’imaginer l’absence

Muter
« Métaphores » que tout cela, voulions nous croire…
La tentation de l’écart : c’est le danger de l’écriture – et aussi sa force d’éternité
Redoubler le sens – persévérer dans son être

Si le corps n’est plus là, quelle autre infinie Présence ?
Si ce n’est cette obstination à poursuivre l’élan,
ton regard continué dans le désir d’écriture et de collectif, dans les gestes de Paix

Ne pas renoncer
Même allongée et pâle sur une chaise longue devenue lit d’hôpital aux Espillières en juin dernier
La dernière image – le dernier message
Le dernier battement d’aile
qui longtemps encore vibrera en ouragan dans nos cœurs

  • Geneviève Bertrand
    5 septembre 2013

 

 

 

Il est temps…

de se recueillir
à la lisière de l’été
et de faire émerger l’émotion
Parier sur la vie
En soi tout ici et là
Comme si
encore une fois
frémir avec
une parole à entendre
la chaleur d’une étreinte
Les tiennes
Yeux clos
Dévider ses larmes
Pour palper ton sourire

Le soleil souffle sur la peau. Les rayons jouent à la brise soyeuse.
Les jeunes arbres ébouriffent notre peine et courent les collines.

Il est temps
de recueillir
En ce matin de presqu’automne
La gourmandise des mots
Le miel de la pensée
Le parti pris du don
Le partage des tourments de l’Histoire
Les faiblesses apprivoisées
Les colères ajustées
La confiance fondée
L’exigence de tes soifs
jamais étanchées

La porte est fermée, que faire ?
Qui dira la spiritualité du platane recueillant toute voix pour l’adresser au monde,
de ses branches dressées ? Les mots prennent leur envol :
puissent-ils ensemencer la terre de tes vibrations.

La porte est fermée, que faire ?
Sans ailes encore
et comptable
De toutes tes richesses
de chaque os à ronger de mon jardin
de chaque pierre échouée à réchauffer
Du charivari universel
et des grands charrois de la besogneuse fourmi
Je demeure

Ne plus cueillir les fleurs
Semer pour les papillons

Célébration de ta présence et de toutes les fenêtres que tu as ouvertes :
le vent facétieux entremêle nos palabres comme guirlandes de paix.
Une lumière l’accompagne, généreuse comme tes élans.

m d’amore

 

 

Lire l’intégralité de l’hommage
à Odette Neumayer (1940 – 2013)

 

 

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