peinture


Monde réel, mondes imaginé (N°spécial « Carzou »)

Édito Carzou, monde réel / monde imaginaire L’artiste crée une œuvre qui doit être complétée par son public et est, par conséquence nécessairement imparfaite :  c’est par les vides de l’œuvre que le lecteur y insuffle la vie. (Alberto Manguel, L’Apocalypse selon Dürer, Éditions Invenit, 2015)   La première fois qu’on entre, on est un peu écrasé, oppressé par l’immensité des peintures. Il faut prendre le temps de digérer, au sortir ou à l’entrée de temps apocalyptiques, pour commencer à voir derrière l’œuvre de Carzou toute la symbolique qu’elle nous révèle, conformément au sens étymologique du grec « apokalupsis » révélation, le verbe « apokaluptein » signifiant découvrir. Le travail, par son ampleur et sa symbolique, ne laisse personne indifférent. Mais pour cela, il doit venir chatouiller l’imaginaire des passants qui s’y aventurent. C’est cette rencontre entre l’œuvre monumentale et l’art d’écrire que la revue Filigranes a mis en place lors des Correspondances 2024 : déambuler, se laisser imprégner, et puis écrire, partager, découvrir la résonance secrète entre les mots et les peintures. Une heure en immersion, errer dans la chapelle en laissant venir les mots, non pour décrire mais pour rebondir, creuser et aller à la recherche des symboles, des lumières crues, de la vie qui émerge dans un paysage désolé, laisser les mots trouver leur issue sur les pages, sans trop savoir ce qu’il faudra en faire. Ils dorment, on les reprend, on se remet à l’ouvrage à distance : […]


N° 103 – « Sur la corde raide » (Vol 2 – Les quat’ z’arts) 09/2019

                                              ÉDITO Si en ce début de siècle nouveau, la lecture semble devenue chose courante, l’écriture en revanche reste en retrait. Celles et ceux qui s’y adonnent sont certes nombreux mais aujourd’hui encore convenons qu’écrire (d’une autre manière que lire) nous sépare des autres. « Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur. Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi tout autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. La porte, il vaut mieux la fermer ; de l’autre côté, la télévision est toujours allumée. Dis-le tout de suite aux autres : non je ne veux pas regarder la télévision (…) » écrivait en son temps Italo Calvino. La séparation que l’écriture provoque est complexe à cerner. Tout à la fois encensée, portée aux nues et mal vue, l’écriture perturbe l’ordre des choses. Oui, écrivant nous franchissons des lignes. Nous nous séparons à plus d’un titre : du commun, du temps présent, des sociabilités ordinaires. Ils n’aiment pas, nos proches, que nous nous abstrayions du présent, que nous nous vouions à quelque pratique obscure appelée « écrire », qu’à l’écoute de ce qui fait monde en nous, nous nous dérobions de leur regard, fuyant pour un temps le commun.Confiée à la nuit, aux carnets intimes, aux « amis » des réseaux sociaux, aux amants, l’écriture […]