Corde raide


N° 103 – « Sur la corde raide » (Vol 2 – Les quat’ z’arts) 09/2019

                                              ÉDITO Si en ce début de siècle nouveau, la lecture semble devenue chose courante, l’écriture en revanche reste en retrait. Celles et ceux qui s’y adonnent sont certes nombreux mais aujourd’hui encore convenons qu’écrire (d’une autre manière que lire) nous sépare des autres. « Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur. Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi tout autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. La porte, il vaut mieux la fermer ; de l’autre côté, la télévision est toujours allumée. Dis-le tout de suite aux autres : non je ne veux pas regarder la télévision (…) » écrivait en son temps Italo Calvino. La séparation que l’écriture provoque est complexe à cerner. Tout à la fois encensée, portée aux nues et mal vue, l’écriture perturbe l’ordre des choses. Oui, écrivant nous franchissons des lignes. Nous nous séparons à plus d’un titre : du commun, du temps présent, des sociabilités ordinaires. Ils n’aiment pas, nos proches, que nous nous abstrayions du présent, que nous nous vouions à quelque pratique obscure appelée « écrire », qu’à l’écoute de ce qui fait monde en nous, nous nous dérobions de leur regard, fuyant pour un temps le commun.Confiée à la nuit, aux carnets intimes, aux « amis » des réseaux sociaux, aux amants, l’écriture […]