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Notre histoire – FILIGRANES, revue d'écritures (Écrire en Provence) http://filigraneslarevue.fr Faire de l'écriture un bien partagé Wed, 12 Oct 2022 12:48:19 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.4 http://filigraneslarevue.fr/wp-content/uploads/2020/03/logo_fili-1.jpg Notre histoire – FILIGRANES, revue d'écritures (Écrire en Provence) http://filigraneslarevue.fr 32 32 Saison d’émancipation – Nos éditos http://filigraneslarevue.fr/2022/10/11/saison-demancipation-nos-editos/ Tue, 11 Oct 2022 14:18:19 +0000 http://filigraneslarevue.fr/?p=1987 Ces textes sont consultables sur le site https://issuu.com/cmix/docs/saisons-demancipation?mode=a_p

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Mettre l’écriture en travail. – Séminaire des 20 ans de la revue http://filigraneslarevue.fr/2020/05/22/mettre-lecriture-en-travail-seminaire-des-20-ans-de-la-revue/ http://filigraneslarevue.fr/2020/05/22/mettre-lecriture-en-travail-seminaire-des-20-ans-de-la-revue/#respond Fri, 22 May 2020 16:37:57 +0000 http://filigraneslarevue.fr/?p=1392  

 

 

 

 

 

 

 

 

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Hommage à Odette Neumayer http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/hommage-a-odette-neumayer/ http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/hommage-a-odette-neumayer/#respond Thu, 21 May 2020 21:18:45 +0000 http://filigraneslarevue.fr/?p=1340

 

Le 7 septembre 2013
nous avons accompagné Odette Neumayer,
co-fondatrice en 1984 de Filigranes
dans sa dernière demeure
au coeur de la campagne aubagnaise,
au milieu des pins
du cimetière de Fenestrelles

Nous l’avons fait, les uns par la pensée,
les autres, ceux qui habitent en Provence,
en venant lui rendre hommage, lui dire un mot,
lui témoigner de notre très grande tristesse.

Odette se savait atteinte d’une maladie sans merci,
elle s’étonnait que tant de personnes lui témoignent leur affection,
elle se voyait comme une parmi bien d’autres
oeuvrant pour un monde plus juste,
pour une école qui émancipe,
pour une écriture qui honore les femmes et les hommes
dans leur vie et leur histoire. Ni plus, ni moins.

Odette avait la conviction qu’il faut soutenir ceux qui savent que les échanges,
la création, le partage sont porteurs d’avenir.
C’est à cette source qu’elle puisait son infatigable énergie,
sa ténacité, son enthousiasme communicatif.
C’est cette source qui irrigue et irriguera longtemps encore… Filigranes.

À présent notre travail de deuil commence et notre peine est profonde.

Filigranes
Les enfants d’Odette, ses frères et sa soeur, ses petits-enfants
Michel, son compagnon

 

 

 

——

 

Notre couvert est mis

Quelque part
Ailleurs
Loin d’ici
Près de nous
Dans ce pays d’or et de paroles cisélées
Qu’on dit amitié
Notre couvert est mis
Tes hôtes s’assoient un à un
À tes côtés
Le cristal des verres guette impatient
L’envol du partage

Christian Alix (octobre 2013)

 

 

Ma très chère Odette

Je suis partie avec Ithaque(1)
Pour te le lire
Là-bas, les pieds dans l’eau
Mais cela ne convenait pas

Alors, j’ai mis Ithaque
Dans ma poche
Jusqu’à trouver l’endroit

Le ciel, la mer
En hauteur, dans ce bleu immense
Une petite chapelle blanche
La clé est sur la porte

Dedans, J’allume une bougie
Dedans, je trouve de l’encens
Dehors, je fais un nid de pierre
J’allume l’encens dedans
Et je te lis Ithaque
Et je t’entends me le lire
Je reste longtemps là
Avec toi

 

Tu es quelque part par là
Dans les petites cyclades
Ton bateau est arrivé
Le linge sèche
Aujourd’hui, j’ai repeint ta maison

Je t’aime énormément

 

Karyne

(1) « Quand tu partiras pour Ithaque »
Poème de Constanin Cavafy
Traduction Marguerite Yourcenar

 

 

Muter

« Mourir pour renaître à mon nouvel état »
disais-tu il y a un an dans un texte de la revue
Passer d’une forme à l’autre, d’une Présence à l’autre
Depuis longtemps, tu savais…
Mais on ne voulait pas vraiment entendre

C’était trop bien de te voir animer les séminaires – côte à côte avec Michel –
Alternativement souriante et impérative sur les horaires, à l’écoute et poursuivant ta pensée
Impossible d’imaginer l’absence

Muter
« Métaphores » que tout cela, voulions nous croire…
La tentation de l’écart : c’est le danger de l’écriture – et aussi sa force d’éternité
Redoubler le sens – persévérer dans son être

Si le corps n’est plus là, quelle autre infinie Présence ?
Si ce n’est cette obstination à poursuivre l’élan,
ton regard continué dans le désir d’écriture et de collectif, dans les gestes de Paix

Ne pas renoncer
Même allongée et pâle sur une chaise longue devenue lit d’hôpital aux Espillières en juin dernier
La dernière image – le dernier message
Le dernier battement d’aile
qui longtemps encore vibrera en ouragan dans nos cœurs

  • Geneviève Bertrand
    5 septembre 2013

 

 

 

Il est temps…

de se recueillir
à la lisière de l’été
et de faire émerger l’émotion
Parier sur la vie
En soi tout ici et là
Comme si
encore une fois
frémir avec
une parole à entendre
la chaleur d’une étreinte
Les tiennes
Yeux clos
Dévider ses larmes
Pour palper ton sourire

Le soleil souffle sur la peau. Les rayons jouent à la brise soyeuse.
Les jeunes arbres ébouriffent notre peine et courent les collines.

Il est temps
de recueillir
En ce matin de presqu’automne
La gourmandise des mots
Le miel de la pensée
Le parti pris du don
Le partage des tourments de l’Histoire
Les faiblesses apprivoisées
Les colères ajustées
La confiance fondée
L’exigence de tes soifs
jamais étanchées

La porte est fermée, que faire ?
Qui dira la spiritualité du platane recueillant toute voix pour l’adresser au monde,
de ses branches dressées ? Les mots prennent leur envol :
puissent-ils ensemencer la terre de tes vibrations.

La porte est fermée, que faire ?
Sans ailes encore
et comptable
De toutes tes richesses
de chaque os à ronger de mon jardin
de chaque pierre échouée à réchauffer
Du charivari universel
et des grands charrois de la besogneuse fourmi
Je demeure

Ne plus cueillir les fleurs
Semer pour les papillons

Célébration de ta présence et de toutes les fenêtres que tu as ouvertes :
le vent facétieux entremêle nos palabres comme guirlandes de paix.
Une lumière l’accompagne, généreuse comme tes élans.

m d’amore

 

 

Lire l’intégralité de l’hommage
à Odette Neumayer (1940 – 2013)

 

 

Consulter le site Les yeux d’OM

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Aux origines de la de la revue http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/aux-origines-de-la-revue/ http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/aux-origines-de-la-revue/#comments Thu, 21 May 2020 20:44:56 +0000 http://filigraneslarevue.fr/?p=1326  Interview Mai 1994

 

« L’homme et sa création sont sans âge, sans vieillissement et sans usure. »
Marcel HANOUN (cinéaste)
« Contre la censure de velours »
Le Monde Diplomatique Avril 1994

 

 

A l’occasion du 10ème anniversaire de la création de de la revue, en 1994,
nous avons publié un entretien avec trois des fondateurs de FILIGRANES.
Nous reprenons cet entretien ici.
Il informera le lecteur du projet de la revue et des circonstances
dans lesquelles le projet de publier cette revue est né.

André BELLATTORE (AB), André CAS (AC),
Odette NEUMAYER (OZN)) et Michel NEUMAYER (MN) répondent
aux questions des personnes présentes lors du séminaire de mai 1994.
Cet entretien enregistré a été retranscrit par Sabine Gaulier.(mai 1994)

 

Comment la revue « Filigranes » a-t-elle été conçue?

Odette Zummo-Neumayer – Filigranes est née de l’intuition qu’une écriture, pour éclore, a besoin de trouver des lieux d’accueil, de rencontre. C’est donc un lieu de ce type que nous avons voulu d’abord créer. Certains d’entre nous réfutaient l’idée trop facilement admise que l’écriture serait réservée à quelques privilégiés et souhaitaient traduire en actes une vision plus optimiste et plus généreuse de la création: permettre à « l’homme du commun » de trouver sa voie singulière. Pour certains encore, il s’agissait par le biais de la revue, objet médian, de travailler ce que la relation à l’autre, dans la confrontation des écritures, peut avoir de rude, de rugueux, d’impossible et pourtant de stimulant. C’est une aventure collective que de fonder une revue. Elle donne une structure, une ponctuation du temps, des cadres de lecture du monde, des grilles problématiques. Elle est une chance de faire traces, d’inscrire l’écriture dans une continuité, peut-être aussi de témoigner pour garder mémoire. Dix ans sont passés, et les objectifs initiaux me semblent toujours justes et d’actualité!

André Bellatorre – Au départ, nous étions un groupe d’enseignants qui se retrouvaient sur le terrain pédagogique dans le cadre des ateliers d’écriture du GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle). C’était loin d’être évident à l’époque de dire: « Pour développer une pédagogie nouvelle du français, il faut que les profs écrivent. » Que les enfants écrivent, cela pouvait éventuellement se concevoir, mais que des enseignants prennent ce risque et en même temps ce plaisir, cela était frappé d’ une espèce d’interdit.

Michel Neumayer – Et j’ajouterais que nous avions aussi envie de publier tout simplement nos textes écrits pendant ou après les ateliers d’écriture. Nous nous sommes donné les moyens de le faire. En 1984, chacun des quatre fondateurs a mis 500 francs dans le pot commun. Depuis, près de 300 abonnés ont soutenu cette utopie au quotidien. La revue, sans faire aucun bénéfice, équilibre tant bien que mal ses comptes et sort fidèlement trois numéros par an. Cette gestion financière indépendante des subventions fait de FILIGRANES un lieu de liberté de création un peu en marge des grands appels commerciaux et d’une certaine concurrence.

 

Votre activité d’écriture a-t-elle changé
du fait de devenir animateur(s) d’une revue ?

OZN – Il y a dix ans, mon écriture était une « écriture de tiroir ». Mais dans la mesure où notre groupe était à l’origine des problématiques et des thèmes, nous étions tenus d’être plus audacieux dans nos productions, de lire davantage de poésie et d’écrits de toutes sortes. Cela nous a conduits à nous attacher à des auteurs particuliers et à chercher chez eux l’écho de nos propres questions.

AB – Moi, je suis plutôt quelqu’un qui creuse un sillon…

OZN – Il y a une relation profonde entre ton premier texte publié en revue en hommage à Francis Ponge, et ce que tu fais en ce moment : une thèse sur cet auteur!

AB – A un moment donné, je ne me suis plus complètement reconnu dans le travail de Filigranes, j’étais sur le terrain d’une écriture plus « métatextuelle » que « poétique ». Disons que le sillon s’est continué autrement, par une recherche sur Francis Ponge. Avec Ponge j’ai commencé par « le comment ». J’ai écrit de petits textes à la manière de ceux du « Parti pris des choses » sur des objets laissés pour compte par le poète. J’ai donc essayé « l’appareil photo », « les myrtilles », etc. jusqu’au jour où j’ai risqué « le beurre ». J’ai alors rapidement découvert que cet objet avait été écrit par Francis Ponge. La réalité de la poésie pongienne avait rattrapé ma fiction. Depuis, je m’intéresse aussi au « pourquoi ». Pour parodier l’un de ses titres, l’objet de ma recherche serait: « Comment Francis Ponge de paroles et pourquoi? »

 

La revue est maintenant pré-adolescente,
mais pendant son enfance,
que vous a-t-elle apporté comme joies et comme peines?

MN – Des disputes d’enfants. Je me souviens de positions qui s’affirmaient. Certains disaient: « Il faut absolument alterner dans la programmation les numéros centrés sur une approche formelle de l’écriture, et des numéros dont l’entrée serait thématique ».

AB – Ça, c’était le compromis, justement !

OZN – Le premier numéro, « Fragments » rassemblait des textes épars. A l’époque, nous commencions à travailler la problématique du fragment et des dispositifs d’accueil de fragments dans le sillage de Calvino, Cortazar, Blanchot … Dans le deuxième numéro, « L’exception et la règle », nous cherchions à préciser une théorie de l’écriture. Ensuite, nous avons travaillé la question du rêve transcrit comme possible texte souche. De fait, chaque numéro pouvait être lu selon les deux points de vue, formel et thématique. L’un et l’autre unifient et ouvrent sur la diversité. Ils permettent lectures et écritures plurielles.

MN – Notre projet, dès le départ, était d’associer l’écriture et la réflexion sur l’écriture. Nous résistions à l’idée qu’écrire est une affaire d’expression ou de « vouloir dire ». Dans la filiation de l’Oulipo et surtout de Georges Pérec, nous étions sensibles aux aspects formels. Nous imposer des contraintes, était une manière de traiter la question de la maîtrise / non-maîtrise d’un auteur face à son texte. A cette époque, nous animions de nombreux stages sur la lecture et FILIGRANES nous permettait d’explorer le rapport du lecteur à l’écriture. La revue était (et est toujours) pour nous un lieu d’expérimentation et de recherche sur les multiples facettes de la chose écrite.

 

Quels ont été les temps forts
dans la vie de la revue?

OZN – Après la période d’euphorie du démarrage, il y a eu ce jour où nous avons décidé que FILIGRANES existerait, même si nous devions la faire tous les deux, Michel et moi (rires). Cela nous donna par la suite une grande tranquillité d’esprit et la capacité d’accueillir, lors des séminaires, les initiatives et les idées comme elles se présentent. C’est ainsi que le collectif de FILIGRANES s’est renouvelé par vagues successives. C’est ce qui fait l’histoire de la revue.

MN – Un autre temps fort, ce fut la sollicitation de Bruno Grégoire qui, pour son livre « Poésie(s) d’aujourd’hui » (Seghers 1989), répertoriait les revues existantes. Nous lui avons répondu et à partir du moment où la revue a été signalée par lui, des textes nous sont parvenus de personnes que nous ne connaissions pas. Des questions nouvelles se posaient: comment intégrer des textes de personnes qui n’ont jamais lu la revue, et ne savent rien de nos recherches et expérimentations? Puis, comment choisir et extraire sans dénaturer, dans les plaquettes qui nous étaient envoyées, LE texte qui conviendrait au thème du moment? Quels retours pouvions-nous attendre de ces poètes inconnus ?

 

Est-ce que les auteurs de Filigranes lui sont fidèles,
ou est-ce un lieu de passage ?

OZN – Pierre Torrès a fait des études statistiques là-dessus depuis les premiers numéros: durée du passage? Nombre d’auteurs et nombre de textes du même auteur? Auteurs masculins, féminins? La répartition géographique, en France, dans les autres pays européens? Sur 100 auteurs la répartition entre hommes et femmes est de 40 /60. 11 auteurs ont été publiés au moins 6 fois. 60 auteurs l’ont été entre 3 et 6 fois. En tout, du n°1 au n°28, nous avons publié 178 auteurs. L’abondance des textes reçus nous a mis devant la question des critères de choix. Il y a actuellement un noyau stable d’une quinzaine de personnes investies dans la vie de la revue: préparation des séminaires, choix des thèmes, lecture des textes. Les métiers représentés parmi les proches de la revue ont évolué: milieu enseignant, certes, mais aussi bibliothécaire, infirmière, gynécologue, éducateur de prison, formateur, analyste de situations de travail, maquettiste. Il reste un point noir dans notre fonctionnement: c’est le courrier auquel nous répondons souvent avec beaucoup de retard.

 

Sur quels critères
les textes sont-ils choisis ?

MN – Les choix se font en fonction de multiples critères et non d’une supposée qualité. Une certaine continuité est souhaitée: publier quelqu’un une seule fois, puis voir son nom disparaître des sommaires est frustrant. Nous avons eu de multiples discussions lors des comités de lecture à propos des critères de choix. Dans le n°25, Michèle Monte en donne le résumé sous le titre « Qualité ou projet? ». Nous avons la volonté d’accueillir des premiers textes, ainsi que des textes sollicités par des membres du collectif, ou les textes des personnes participant aux séminaires. Nous sommes également attentifs à la variété et à la pertinence de l’ensemble des textes dans un numéro donné , en rapport avec le thème ou la problématique. L’intérêt subjectif du collectif de lecture pour tel ou tel texte compte aussi.

AB – Dès la création de FILIGRANES nous avions eu ce débat sur les critères. Lorsqu’il y avait des numéros « problématiques », on jaugeait par rapport à cette problématique. C’était un critère. Dans « Sur les pas du palimpseste » par exemple, c’était le jeu, la rencontre entre un texte et d’autres. On essayait d’évaluer cette créativité qui passait par un certain nombre de règles. Sur les numéros « thématiques », j’avais beaucoup plus de difficultés à élaborer des critères. Cela appelait un autre type de réflexion. Il me semble que vous êtes allés dans cette direction.

MN – Aujourd’hui, c’est en terme de responsabilité éditoriale que nous posons la question. Un éditeur ne publie pas un texte, un livre uniquement sur la « qualité intrinsèque » du texte (à supposer que cela existe), mais aussi parce qu’il est dans un réseau de relations et qu’il fait des choix.

OZN – Celui ou celle qui se voit publié(e) dans plusieurs numéros et donc dans différents contextes où les textes s’appellent, se répondent, se mettent en valeur les uns les autres, est renvoyé(e) en tant que sujet, au delà de la satisfaction narcissique, à sa propre écriture. Le danger serait de vouloir trop coller au thème au détriment de l’exploration de la problématique par l’écriture. Même si le thème « imposé » nous contraint à sortir de nos territoires. L’imaginaire suppose l’échange, ce n’est pas une affaire strictement individuelle. Il a besoin de lieux pour se travailler. Connaître la mise à l’épreuve de la socialisation enrichit le rapport de chacun à l’imaginaire. Je voudrais ici insister sur le montage. Bien qu’une revue se lise rarement de façon linéaire, nous ne publions pas les textes dans n’importe quel ordre. Il y a une logique du montage. Nous cherchons, travail invisible mais important, à rendre possible des parcours de lecture. D’où ces compagnonnages imposés qui surprennent parfois les auteurs eux-mêmes. Textes en écho, en résonance, en dissonance.

 

Défendez-vous une théorie de l’écriture
dans FILIGRANES ?

AB – Je ne vais pas reprendre le fameux débat, mais pourquoi pas? A travers la lecture que je fais de Ponge, ce qui me requiert et m’intéresse, c’est le fait que soit un des rares poètes qui marie poésie et réflexion dans ses partis pris d’écriture. C’est cette espèce de conjonction originale inouïe, qui me passionne chez lui. Une revue qui se donne pour tâche de publier des textes reçus de personnes inconnues et qui sollicite l’explicitation des partis pris d’écriture, cela me paraît très fécond.

MN – Dans l’éditorial, mais aussi dans « Cursives », se formule quelque chose d’une théorie de l’écriture. Je cite par exemple l’éditorial du n°26: « Est sage celui qui écrit, témoin de l’absurde qui advient en lui et hors de lui, qui le défie. L’écriture alors soutient l’exploration, se fait raison, permet la maîtrise provisoire de situations qui font énigme, devient protection contre tous les surgissements d’images, les désastres magiquement éloignés pour un temps, le sens de l’histoire retrouvé après avoir été perdu. » Cette réflexion s’énonce moins sous forme didactique que poétique. Si l’on relisait les éditos, on y repèrerait les fils conducteurs d’une théorie qui existe, mais ne s’affirme pas dans les formes habituelles d’une théorie. Ecrire de la théorie aujourd’hui est plus difficile qu’il y a dix ans. Un certain esprit de système qui prévalait a été battu en brèche dans beaucoup de domaines. Il y a moins de certitudes, et c’est un enjeu de l’écriture actuelle que de retrouver les voies d’une écriture théorique qui ne soit pas une écriture de système.

OZN – En fait, l’exigence d’André, de prise de distance, d’un métalangage sur le texte, nous a beaucoup aidés. Ceux qui fréquentent les séminaires à l’heure actuelle savent que nous y consacrons beaucoup de temps, même si nous ne publions qu’une partie de cette réflexion, soucieux que le discours n’annule pas ce qui essaie de sourdre de la vie.

AB – Je ne voudrais pas qu’on « accuse » trop les positions, qu’on se contente de dire : « d’un côté, il y a les didactiques, les enseignants, les laborieux qui mettent en place un discours théorique, pesant, et de l’autre, il y a les poètes, légers… etc. » Il pourrait être intéressant de trouver un discours qui fasse un peu trembler cette différence entre le « théorique » et le « scriptural », entre le « textuel » et le « métatextuel ».

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Retour sur une une fabrication artisanale (2004) http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/1314-2/ http://filigraneslarevue.fr/2020/05/21/1314-2/#comments Thu, 21 May 2020 20:32:20 +0000 http://filigraneslarevue.fr/?p=1314 Un entretien à plusieurs voix
réalisé par Nicole Brachet rend compte des premiers temps de la fabrication.
Celle est aujourd’hui numérique.

 

Le travail rédactionnel reste en revanche depuis les débuts le même.

Fruit d’une élaboration collective, Filigranes passe par différentes phases de conception mais aussi de fabrication. Nous voudrions repérer, évoquer et analyser ces étapes qui mobilisent des compétences et des savoir-faire méritant d’être explicités. Ce Cursives, composé de textes et d’entretiens, revêt donc un caractère particulier, puisque la revue s’interroge sur elle-même à travers les témoignages de ceux qui la font exister.
Nicole Brachet


 
Vous ouvrez votre boite aux lettres, vous y trouvez une enveloppe kraft affranchie à 0,75€, qui pèse 98 g, avec une étiquette à votre nom et sur laquelle vous est rappelé que votre abonnement se termine avec le n°… Vous auriez bien envie de l’ouvrir immédiatement, mais plus probablement, vous allez devoir attendre, attendre un moment de tranquillité, une pause pour avoir le temps de vous attarder sur son contenu.
Son contenu ? Vous pouvez en avoir une idée, surtout si vous savez qu’un texte de vous est dans le numéro et qu’il vous tarde de le voir sous sa forme définitive. Il y a déjà longtemps que vous l’avez écrit, que vous l’avez envoyé, qu’il a été choisi lors du dernier séminaire auquel vous avez peut-être participé.
Et il y a les mots des autres, l’attendu et l’inattendu… Vous retrouvez des noms qui correspondent à des visages. Visages de ceux que vous côtoyez quand la revue est vivante et s’incarne dans des corps au travail, dans l’échange, moments d’écriture collective ou individuelle, lectures partagées, propositions, mais aussi repas pantagruéliques « tirés des sacs » comme il est dit sur l’invitation au séminaire, chaleur, soleil ou brume, confidences lors d’une pause…
Tantôt vous commencez par le sommaire, tantôt par l’éditorial. Vous préférez peut-être lire Cursives en premier ou alors vous plongez dans les textes au hasard. Et vous découvrez des auteurs nouveaux ou des « habitués », mais que vous n’avez jamais rencontrés. Les textes viennent parfois de loin, de très loin même. Il arrive qu’ils soient écrits dans une langue dite « étrangère ». Vous lisez tout d’une traite, ou vous grappillez et puis vous y revenez… Le fruit est tombé de l’arbre, il est là dans vos mains.

 
    
 
L’éclosion du thème

Nicole Brachet : Comment naît le thème d’un futur numéro de Filigranes ? Odette Neumayer : Le choix des thèmes est en lien avec un désir exprimé dans les séminaires ou dans le Collectif de la revue. Une première liste de thèmes s’élabore puis un groupe plus restreint prend les décisions fermes, planifie la mise en oeuvre et le suivi. Toute proposition est entendue, mise en relation avec telle ou telle proposition voisine, reformulée, complexifiée, du moins est-ce notre ambition.
La problématique et le choix du titre
N.B. : Un thème ou un problématique…
Michel Neumayer : La notion de thème comporte le danger de réduire l’écriture à la mise en mots d’une pensée qui préexisterait. L’expérience montre que le travail des mots nous conduit à penser autrement. Les mots résistent. Leur fréquentation ouvre des espaces inattendus, complique parfois les choses, rend la communication humaine plus incertaine mais tellement plus riche. Derrière chaque thème se tient, comme dérobée, une vraie question d’écriture… C’est le croisement des entrées qui nous importe et le lien entre ce que nous pensons et la langue avec et contre laquelle nous travaillons. Du coup, il arrive que nous soyons en porte-à-faux vis-à-vis de certaines de personnes qui, découvrant la revue sur le Web, nous envoient des textes sans connaître son projet. Que faire ? Etre éditeurs, c’est affirmer des points de vue, les nommer de manière explicite et trouver des formes de travail ad-hoc. Ceux qui fréquentent Filigranes, le découvrent peu à peu dans la façon dont s’élaborent les titres des numéros ou formulées les pistes. L’édito, le montage, la quatrième de couverture, invitent à réfléchir à « l’objet » que l’on tient en main. Pour ceux qui ne peuvent participer à ce travail collectif, cela reste parfois inapparent…
N.B. : Comment s’élaborent « les pistes » des futurs numéros, ces incitations à écrire lancées comme des bouteille à la mer ?
O.N. : Elles émanent du collectif et sont rassemblées quelquefois dans l’urgence au moment du bouclage du numéro. Les pistes ne cherchent pas à être forcément claires, limpides, ni exhaustives. Elles agiraient plutôt comme des consignes d’atelier réveillant non pas le devoir mais le désir d’écrire.
 

Modernité de Filigranes

N.B. : Y-a-t-il une modernité des thèmes ? Une actualité ?
O.N. : C’est une question d’éthique et non de forme. Sinon pourquoi créer ? Le face à face avec les mots conduit à penser autrement la relation à l’autre, aux autres pour « vivre voisins sur une même terre » comme disait Aragon. Notre modernité consisterait peut-être à vouloir penser le lien entre ces préoccupations contemporaines et des questions d’écriture.
M.N. : Cela passe aussi par la recherche de la diversité ; par la mise en tension des genres : l’exploration de toutes sortes de formes, SMS, blog, textes d’auteurs anonymes ou d’enfants. Par l’accent mis sur l’écriture comme travail en proposant dans chaque numéro d’entrer dans l’expérience d’un autre créateur. C’est la raison d’être des Cursives. Ils interrompent la succession des textes poétiques ou de fiction, introduisent de la réflexivité et du témoignage, détournent un moment le lecteur de son chemin et c’est voulu !
 

La réception des textes

O.N. : Il y a les textes nés pendant le séminaire ; d’autres sollicités par des amis, animateurs d’ateliers d’écriture. Il y a ceux qui nous arrivent par la poste, accompagnés d’un petit mot : « j’ai connu votre revue par telle personne, à telle occasion…  » Et, de plus en plus, ceux qui parviennent par courriel de personnes qui sont allées sur http://www.ecriture-partagee.com et qui souvent ne connaissent pas la revue. Nous lisons leurs textes pour avoir une première impression et quand c’est possible, nous renvoyons un petit mot : remerciement et demande en cas de recueil, de ne retenir qu’un ou deux textes en ayant bien à l’esprit les pistes du numéro.
M.N. : Tous les textes, quelle que soit leur provenance, sont photocopiés, « pieu-sement » rangés dans une chemise portant le titre du numéro dans lequel ils sont susceptibles de paraître. Ils font l’objet de trois sauvegardes : sur papier, dans le logiciel de messagerie et dans un répertoire sous Word. Il arrive parfois qu’on en oublie, malgré tout. Certains envoient plusieurs versions, changeant un mot ou une disposition… et cela provoque des erreurs. Restent les quelques textes manuscrits qu’il faut saisir sur ordinateur. Tous ces textes sont numérotés. Une liste précise est faite avant le séminaire, photocopiée et distribuée.
 

L’étape du séminaire

N.B. : Quel rôle jouent les séminaires ? Comment sont-ils animés ?
O.N. : Un séminaire se déroule en général de la façon suivante : premier temps, la lecture du numéro précédent, qui a besoin d’être touché, commenté, critiqué, admiré… Il faut se rencontrer intellectuellement les uns les autres : cela passe par un échange sur nos lectures respectives, sur nos actions pour la revue (abonnements, participation à tel ou tel salon…) Vient ensuite un mini-atelier d’écriture en deux étapes : quelques consignes pour lancer la réflexion sur la problématique du numéro suivant puis un temps assez long d’écriture sans consigne.
N.B. : Se pose aussi la question des prochains Cursives…
M.N. : C’est une activité partagée qui passe l’identification de personnes acceptant d’être le sujet d’un Cursives puis le travail d’entretien et de retranscription. C’est passionnant pour qui s’intéresse au passage de l’oral à l’écrit : à l’oral il faut mettre la personne à l’aise afin qu’elle ait envie d’évoquer ses recherches, de dire son rapport à la création, de parler de ses projets. Puis il faut reprendre l’enregistrement et sa transcription, réduire le nombre de signes, décider, dans le jaillissement spontané de la parole, d’une cohérence susceptible de faciliter la lecture. Entre fidélité absolue et réécriture on navigue, on tergiverse parfois, on choisit comme on peut. Au moment de la parution, toutes les traces de ces mille et une micro-décisions disparaissent au bénéfice d’un texte précis et sans à coup. Magique, non ?
 

L’éthique du choix des textes

N.B. : Quelle place occupe la lecture et le choix des textes dans le séminaire ?
M.N. : Les personnes présentes au séminaire repèrent assez vite les textes qu’ils ont envie de publier. Cette capacité collective est remarquable mais elle ne suffit pas. Nous avons appris à éviter le jugement de valeur et les sempiternelles discussions sur la qualité. Dans une revue, les textes « se portent » mutuellement : des textes d’enfants ou de « débutants » interpellent, surprennent et sont finalement enrichis par les autres textes. Nous ne cherchons pas la perfection mais voulons donner à voir des processus. Filigranes est une revue d’écritures, au pluriel. Elle veut réunir des personnes, croiser les subjectivités, avec le travail de la langue comme horizon. C’est pourquoi nous ne publions pas de recueils, ni de numéros consacrés à une seule personne.
N.B. : La revue revendique donc le droit de choisir des textes qui ont de l’importance dans la vie d’une personne, et ne se fonde pas seulement sur des critères d’ordre littéraire ?
O.N. : Parfois, un texte doit « passer » pour des raisons intimes, très humaines, amicales. Nous avons aussi une attention particulière aux premiers textes et nous sollicitons les auteurs pour en publier un second, un troisième… On sait le poids qu’un texte peut avoir pour son auteur. Il nous arrive aussi, malheureusement, de passer à côté.

 

 Après le séminaire

N.B. : Quelles sont les étapes après le séminaire ?
M.N. : Le passage de Word à Xpress, logiciel compatible avec le système Macintosh de l’imprimerie. Une première mise en page au format Filigranes. L’utilisation d’une feuille de style et le choix de la police Trébuchet MS, un caractère sans empattement, agréable à lire et discret. Au bout du compte nous avons une idée du nombre de pages à placer sachant que chaque numéro comporte 40 pages de textes et qu’il faudra peut-être faire des choix drastiques au montage. Nous procédons aussi à un début de correction orthographique et typographique car souvent les auteurs ne savent pas présenter leur texte, ou proposent des mises en pages sans se préoccuper des formats. 
Les auteurs ne sont pas toujours sensibles à la position de leur texte sur la page, à sa longueur, à sa forme : carré, rectangulaire, centré, placé plutôt vers le haut ou le bas de la page… Or, une partie de la lisibilité d’un texte tient à sa mise en page. Un texte peut « faire peur », ne pas donner envie d’être lu. L’interlignage, la taille des marges, la police de caractère, le choix de « justifier » ou non, le compagnonnage des textes sont autant d’éléments qui ne sont pas que formels mais agissent sur le sens.
 

Dernière mise en page et éditorial

N.B. : Que se passe-t- il après la réunion de montage ?
O.N. : Une dernière relecture a lieu, tenant compte du travail des correcteurs lors du montage : correction fine portant sur les normes typographiques, les usages (majuscules, noms propres, etc.). Puis vient le classement des textes en trois ou quatre entités de sens, le bout à bout et la pagination, la saisie du sommaire et des dernières brèves de Cursives, enfin la gravure du CD qui part chez l’imprimeur.
N.B. : Avez vous une idée du temps passé à la fabrication du numéro après le travail collectif ?
M.N. : En gros une semaine de travail en continu pour la composition, la fabrication de l’éditorial et les derniers ajustements avant l’imprimeur.
N.B. : L’éditorial est le phare qui indique la route. En tant que lectrice, je n’imagine pas un numéro sans l’éditorial…
O.N. : L’éditorial tente, à partir des textes retenus, de créer une vision de la problématique du numéro et de créer le monde autour, mais il ouvre encore d’autres portes… Ni synthèse, ni résumé, il tient compte des textes mais aussi des discussions du séminaire et d’autres lectures. L’éditorial veut être « écrit ». Il est poétique et ne craint pas les images et les métaphores.
 

 

Chez l’imprimeur

N.B. : Depuis combien de temps imprimez-vous Filigranes ?
Josiane (maquettiste): Depuis au moins 1992,1993.
N.B. : Comment se présente un numéro de Filigranes, quand on vous l’apporte pour l’impression ?
J. : C’était folklorique avant ! Maintenant nous travaillons informati-quement. M. Neumayer fait les compos (Composition : Réalisation des textes en caractères typographiques et par extension, en photocomposition, en titrage). Je les récupère avec les épreuves papier, pour un double contrôle, on ne sait jamais. Parce que des fois, ils font des choses un petit peu bizarres, des découpages de textes… 
Cela paraît étrange, donc je vérifie. Je fais le montage et ensuite je sors des films que mon mari récupère, il fait des plaques qu’on met sur la machine Offset (Procédé d’impression basé sur la répulsion de l’eau et de la graisse de l’encre. La plaque de zinc reporte l’image sur un blanchet, qui reporte l’encre sur le papier) et on imprime Filigranes.
N.B. : Plusieurs fois, Filigranes a changé d’aspect. Cela pose-t-il des problèmes ?
Robert (imprimeur) : Non, du moment que la compo est faite. J. : On s’adapte. Ils en discutent entre membres de la revue. On leur propose ce que l’on a, et ils choisissent.
R. : L’intérieur n’a jamais bougé : du Conqueror 80 grammes Velin.
N.B. : Et au niveau des graphismes ?
J. : Un jour, Mme Neumayer est venue, je me rappelle, avec des fils de fer qu’elle avait ramassés, il a fallu que je les scanne ! N.B. : Mais sous forme de fils de fer ? J. : Oui, il a fallu que je les scanne pour faire les illustrations (N°45 « Oblique espace de la passion ») ! R. : C’est souvent étrange, nous on le voit avec nos yeux, bien sûr… N.B. : Faites-vous d’autres revues similaires ?
R. : Non ! C’est la seule… (rires). On fait d’autres revues, pour les mairies… Une fois, on a fait un truc, pour les églises… J. : Oui, mais c’était pas de l’étrange… même s’il y avait aussi beaucoup de textes.
N.B. : Vous utilisez plusieurs encres ? R. : Oui, il y a une encre pour l’intérieur. Pour la couverture, c’est la même mais un peu plus allongée en rouge.
N.B. : La nouvelle présentation de Cursives, avec les bandes verticales, ne vous pose pas de problème ?
J. : Non, mais il faut bien calculer, quand on fait des bords perdus, c’est un peu plus compliqué.
N.B. : Et après l’impression ? J. : Une fois imprimée, il faut passer la revue au façonnier qui va couper, intercaler, coller, faire le dos carré-collé. C’est lui qui la termine. Un dos carré collé, ça demande une machine spéciale qu’on n’a pas et eux, c’est leur métier (Façonnage : Dernières opérations qui, par pliage, découpe, assemblage, encartage, piqûre, couture, reliure, etc., donnent aux imprimés leur forme définitive). N.B. : Combien de temps faut-il maintenant pour imprimer Filigranes ? J. : Je réenregistre le CD en format Photoshop, cela prend pas mal de temps.Je monte les pages huit par huit pour les films. On fait une sortie imprimante. Pour sortir chaque film, il faut cinq minutes. Le travail le plus long, c’est en pré-presse, il faut six heures et puis six heures en machine. Le façonnier, lui, en a pour trois ou quatre heures : deux heures de pliage, une demi-heure pour encarter… Pour notre part, on travaille en fractionné, parce qu’on a d’autres tâches simultanément. On essaie de respecter le calendrier, de se coordonner avec le façonnier.
 

Dans l’imprimerie elle-même

R : Voici le film d’une couverture et les pages intérieures. Il y a plusieurs pages sur le même film et elle ne se suivent pas dans la numérotation, cela se fait au montage et c’est remis en ordre au façonnage. On appelle ça la position.
N.B. : Quel âge ont ces machines ?
R. : Celle-ci ? 22 ans ! Ce sont des machines allemandes, increvables de marque Heidelberg. N.B. : Il n’y a pas d’électronique ?
R. : Non, c’est mécanique, avec des réglages, des vis… C’est plus costaud.
N.B. : Vous arrivez à allier un travail avec l’informatique et l’utilisation de ces machines ?
R. : ça part de l’ordinateur et ça va dans une flasheuse (Flashage : Travail qui consiste à réaliser des films ou bromures haute définition d’après une disquette informatique, à l’aide d’une photo-composeuse (PAO)) qui grave le film. On le développe, ce qui donne les transparents. Ces films passent sur l’insoleuse (Insolation : en photogravure, exposition à une source lumineuse d’un support photosensible à travers et au contact d’un film). On fait des plaques. Dans l’insoleuse, tout le texte apparaît, tout le reste s’en va. Puis, on révèle la plaque avec la développeuse et on la met sur la machine. On la pose sur le premier rouleau de la machine offset, elle s’encre par dessous. D’abord à l’endroit, ça se reporte à l’envers, sur un blanchet (En impression offset : feuille de caoutchouc placée sur le cylindre de transfert entre la plaque et le papier) et la feuille arrive, reprend l’encre du blanchet et ça revient à l’endroit. 
C’est le principe de l’offset : à l’endroit, à l’envers, à l’endroit. Les feuilles sont prises par des pinces et sont aspirées dans le bac de réception. Quand il y a plusieurs couleurs, on repasse à chaque fois. R. : (montrant les casiers de caractères typo) : J’en ai la nostalgie, ligne à ligne, mot à mot, lettre à lettre, les caractères sont à l’envers…
N.B. : Ces machines, vous les entretenez vous-même ?
R. : Du mieux que je peux, pas autant que je le voudrais. Il faut les graisser, de temps en temps un technicien vient les régler, il y en a encore, mais on commence à avoir des problèmes. Mais elles tiennent bon !

 

Chez le façonnier

X. : Dans le processus de fabrication, la phase préliminaire, c’est la réception des documents imprimés. Tous les travaux rentrent dans le circuit : d’abord le massicot, qui nous permet d’égaliser les feuilles, de les ramener à un même format. On utilise le massicot en début de préparation et en phase de finition. 
On place les documents sur table vibrante, appelée aussi taqueuse, qui ramène toutes les feuilles au même niveau, et on recoupe avec des taquets de contrôle. Ensuite, on arrive au pliage avec les machines à plieuse : on plie deux fois, trois, quatre fois, suivant le nombre de pages du cahier. 
Après le pliage, les documents repartent dans la chaîne de fabrication : c’est la reliure. Ils passent sur une assembleuse avec plusieurs casiers pour chaque volume, une colleuse en ligne puis la pose de couverture. On doit déchiqueter le dos du volume, on fait du grecquage (Entaillage des pages d’un côté dos pour améliorer la répartition et la prise de la colle et pouvoir façonner sans couture ) pour que la colle pénètre bien dans le volume. Ce sont des colles thermofusibles à 180°. 
Le dos du bouquin est enduit de colle, la couverture se positionne et est envoyée automatiquement dans la relieuse. Ces machines produisent six mille volumes à l’heure. Les volumes – une fois la colle refroidie – passent sur un massicot à trois lames spécialement adapté pour couper les trois faces du volume et supprimer les débords. 
Ce sont des machines de fabrication suisse. Voilà notre travail.
 

L’envoi postal

M.N. : Les numéros réceptionnés sur une palette, il s’agit de les mettre sous pli. C’est le travail d’un jour environ. D’abord le tirage des étiquettes autocollantes, arpès vérification des enregistrements des derniers abonnements. Deux types d’étiquettes : les abonnements à jour, les fins d’abonnement qui reçoivent un petit mot manuscrit pour les inviter à reprendre. Puis le passage à la poste, l’achat des timbres (gymnastique infernale : il n’existe pas de timbre autocollant au tarif écopli inférieur à 100 g !) De savants calculs pour connaître le tarif exact pour les destinations lointaines… Mise sous pli, tri selon les destinations, et enfin, ouf ! Dans la boite aux lettres de grandes dimensions…  
 

Ce Cursives tout entier laborieux
 a été réalisé
par Nicole Brachet 
avec le concours d’Odette et Michel Neumayer

 
 

Naissance d’un numéro
(Françoise Salamand-Parker)

Je suis un petit texte
Tout petit mais je tiens sur mes jambes 
Je peux marcher
Je voudrais aller m’accrocher sur une page de Filigranes
Mais mon papa me dit que je ne suis pas prêt
Tous les jours il m’habille
Me déshabille
Me rhabille avec d’autres couleurs 
Il me brosse les cheveux
Prêt pas prêt
Enfin ouah ! un beau jour 
Il m’envoie
A Filigranes
Je saute dans la boîte aux lettres
J’attends le facteur
Qu’il me prenne et qu’il m’emmène
J’atterris sur une table
On me met dans un dossier bleu 
Ouah !
On est vachement nombreux
Dans cette turne
Je me fais des tas de copains
Nous les textes on se comprend à demi-mot
Un jour quelqu’un me prend dans ses mains 
Ouah !
Quelqu’un me lit
Je bombe le torse
Je fais le beau
Mon papa serait fier
L’aventure commence on dirait
Un regard me lit
Me pousse sur une table avec mes copains textes
On me prend on me pose
Tous ces yeux sur moi
Jamais
Dans mes rêves les plus fous…
Je n’aurais imaginé ça
On me met un numéro sur le dos
C’est une course de chevaux ?
Je demande aux copains
Non aujourd’hui ils te changent de pile
Il y a ceux qui connaissent ce processus
Parce qu’ils ont déjà été sur la table
Plusieurs fois 
Il y en a qui sont en dixième semaine 
Ouah ! super !
J’ai été choisi
On me ramène dans la maison des livres
Près de la cheminée
Dans un dossier bleu
Je ne sais pas trop ce qui va advenir de moi
On me déshabille encore
Je vais encore changer d’habit
Le papier recyclé que mon papa avait choisi
Je vais entrer en mémoire 
Informatisé, les copains, qui l’eût cru ?
Moi qui ai été écrit avec un crayon de papier
Mon nouveau père s’énervait
Quand ma nouvelle mère lui expliquait
Comment changer mes chaussettes
Je devenais cybernétique les potes
Je suis ressorti tout neuf
Avec des blancs comme de longues inspirations
En haut et en bas
Ensuite j’ai repassé un examen
Mais cette fois-ci au milieu des bouteilles de vin
On m’a marié avec un texte que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam
Mais plutôt sympa
C’est vrai qu’on allait bien ensemble
Après que tous les mariages ont été faits
Et sanctifiés
Les gens autour de la table ont bu un dernier verre
Ca y est, le montage est fait (…)
C’est alors qu’on m’a emmené chez l’imprimeur
On m’a passé dans une nouvelle machine
Un peu comme à l’hôpital
De scanner en radio

Françoise Salamand-Parker

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