Créer en Éducation nouvelle – Savoirs, imaginaires, liens au coeur des ateliers d’écriture et de lecture – Michel Neumayer (Chronique sociale)
Michel Neumayer (sous la direction de) a été enseignant puis formateur d’adultes. Il contribue au développement des ateliers d’écriture et de création en France et dans plusieurs pays. Il est membre du Groupe français d’Éducation nouvelle (GFEN) et éditeur de la revue Filigranes. En collaboration avec Marianne Fontaine, Pascale Lassablière et Nathalie Rasson.
Cet ouvrage épouse la forme d’un livre de pédagogie et c’est parmi les pédagogues qu’il trouvera certainement ses premiers lecteurs. Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Si de pédagogie il y est question, c’est comme acte de création qu’on l’évoquera. Si la création est le propos, c’est comme passage de culture, d’œuvres, de patrimoine humain qu’on en parlera.
Entre pédagogie et création, la matière de notre écriture, ce sont nos vies, leur mise en patrimoine puis leur transmission, mille et une manières de les contenir et les préserver du temps, dans la compagnie des mots. Notre trésor, c’est la mémoire. C’est l’archive. Ce sont nos multiples dossiers, nos prises de notes, les productions que nous avons collectées au fil des années des animations et des engagements. Au cœur de tout cela se nichent tant d’interrogations encore que, par manque de disponibilité ou de force, nous n’avons pas encore su ou voulu remailler. Comment nous y atteler, avec quels outils, quels concepts ? Ce sera l’enjeu de ce livre.
Celui-ci se subdivise en quatre parties : le socle, l’accueil dans l’écriture, pourquoi écrire et des laboratoires. Elles décrivent des ateliers et enquêtent sur des types d’animations.
« 15 ateliers pour une Culture de paix » « La paix est entre nos mains » ! Pourtant, le monde est violent et inégalitaire. Les guerres sont encore et toujours actuelles. La Culture de paix, concept développé par l’UNESCO, est une réponse à cette négativité contemporaine. Faire naître l’espoir en chacun, enfant, adulte, parent, éducateur, enseignants, citoyen, susciter le désir d’entreprendre pour que vivre ensemble sur une même terre soit possible, tel est l’enjeu des pratiques (ateliers d’écriture, réflexions, ateliers de construction de savoirs) décrites dans cet ouvrage.
Relever les défis de l’Éducation Nouvelle 45 témoins démontrent, à travers leurs parcours, qu’une action émancipatrice est possible. Des défis semblent parfois impossibles à relever, pourtant ils le sont. Simplement parce que des hommes et des femmes se réunissent, s’engagent, prennent l’éducation au sérieux, en tous lieux. « Vraiment au sérieux », écrit Philippe Meirieu dans la préface. « Pratiquer le dialogue arts plastiques, écriture « Animer un atelier d’écriture – Faire de l’écriture un bien partagé« La présentation de l’ouvrage (cliquez ici…) « 20 ans d’ateliers d’écriture », article d’Odette et Michel Neumayer, « Comme un autre dans la ville », un projet d’écriture collectif
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(Un hommage lui est rendu ici :
https://advitam.fr/app/memoire/maryvonne-paul-1943-2022/hommages)
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Pierre Torres HOMMAGE (Lire le PDF – 1MO)
Michel Neumayer, message à Katia Torres (22 juillet 2020)
Cette nouvelle nous la redoutions tant, nous n’avions plus guère de nouvelles de Pierre, par téléphone uniquement. Je suis personnellement très triste de perdre un compagnon du GFEN et de Filigranes. Je connaissais Pierre depuis les années 1980, nous avions fait beaucoup de choses ensemble, lui toujours discret, peu écrivant mais très porté par la littérature et l’écriture qu’il voyait une comme une invention humaine exceptionnelle.
Il portait une histoire que nous savions tellement douloureuse pour lui, l’Algérie. Il voulait faire un travail autour des massacres de Sétif et Guelma et il était un antimilitariste profond. Nous savions son engagement militant et pacifiste, son refus des pensées dominantes, son désir de pensées en rupture, son engagement pour le cinéma et la théâtre avignonnais.
Il nous a accompagné à Filigranes jusqu’à la fin.Il a été notre deuxième abonné, nous en avons connus tant depuis…
Je l’ai vu pleurer profondément quand il a perdu son amie de toujours Odette Neumayer qui pour lui était une sœur d’adoption. Cette image me marque et me reste à jamais.
C’était un homme pudique et bon. Il a été votre père.
Soyez heureuse de le savoir à vos côtés même si aujourd’hui il n’est plus parmi nous et cette tristesse nous sommes nombreux à la partager.
Je me permets de vous embrasser. Je ne pense pas que nous nous soyons beaucoup vus mais il parlait de ses filles et nous laissais entendre à quel point il tenait à vous.
Bien affectueusement
Michel N. (GFEN Provence / Filigranes)
« Le plaisir de recevoir une lettre ne se distingue pas tellement de celui d’en envoyer »
Lettre du 16 octobre 2017
«Après une période de clôture, de mutisme … On est à sa vie de tous les jours sans penser à la poésie et tout à coup quelque chose vous arrête. Qu’est-il arrivé ? Rien ou presque – rien n’a changé, pourtant et soudain, par quel miracle, tout peut faire signe et se met à parler. Les mots surgissent là ou s’était créé un vide dans l’espace mental. »
Lettre du 25 août 2008
« Je travaille. Á force, je vois un peu, parfois » (citation d’Antoine Emaz) me rappelle cette brume opaque où j’avance les mots « essayés » qui devront laisser la place probablement à d’autres, qui ne sont ni sûrs de leur identité, et encore moins de leur destin . « Je laboure et je vois après ce qui a été retourné » C’est encore cette proposition d’aventure , d’inexploré qui nous est donné, ou peut-être que l’on recherche parce que la séduction du secret joue toujours quand on écrit. L’inconnu est un personnage tentant, savoir ce qu’il risque de nous apporter. C’est sans doute une masse de possibles sans fin et le poème n’est qu’une suite de connexions dans cette confusion, et l’on ressent ce besoin de retourner, de ressasser pour y voir plus clair. Enfin essayer… car parfois à trop creuser le mot casse, l’idée s’évapore et l’on n’a alors ni la clé, ni la maitrise. »
Lettre du 29 septembre 2014
« En prose la poursuite d’une seule ligne peut renforcer la proposition, mais aussi peut tout casser. Alors déblayer, déblayer, on ne dégagera jamais assez. Quel poète a dit « le manque est moteur ». Il sait qu’il ne doit pas s’encombrer et que ce « manque » est le substrat de son poème. »
Lettre du 10 mars 2013
« Je veux trouver encore quelque intérêt à coudre et à découdre la sagesse ou la folie de ce monde. Ce n’est pas regain d’orgueil, mais la traduction d’une nécessité essentielle si l’on veut multiplier les occasions d’émotions, de passions, de vibrations et donner à la poésie toute sa puissance. Ce serait comme allégement fallacieux sans doute s’il suffisait de penser que l’expérience poétique est close lorsqu’on a pris seulement soin d’aligner mots et idées sans autre souci… Tu le sais aussi : nous nous trouvons dans un état d’extrême nudité devant la page blanche, il suffirait d’un souffle pour que tout soit défiguré, saccagé, le miroir nous renvoie l’image d’un pauvre orphelin et bien qu’on le sache nous marchons crânement vers ces ilots de confiance, la plupart du temps en trébuchant et qu’il faille toujours recommencer, comme aux premières lignes, est bien signe de notre faiblesse. »
Lettre du 2 avril 2015
« Une simplicité de l’écriture, pas d’affectation pour une langue recherchée, on écrit au ras des sensations, avec une certaine spontanéité qui offre son éclat et l’on choisit des sujets de la vie ordinaire, un ciel se préparant à l’obscurité. Ce serait réduire de ne dire que cela, mais cette dimension du quotidien, de la beauté offerte, est fondamentale…
Il n’est jamais trop inutile de revenir au classique, ce qui demeure un socle, et que le temps n’a pas fatigué ».
Lettre du 27 janvier 2017
« Avec les « poèmes sans prétention » il arrive qu’ils servent de gammes. Le grand concerto viendra plus tard, plus généreux dans un paysage tout inconnu au sein même du réel pur. Cette expérience toujours imprévisible parce que toujours instantanée – Vide et plein du sens où tout surgit à la fois : monde, identité, langage et dont nous sommes les servants, les esclaves. « Cette expérience qui m’a rendue consciente de ce que j’appelle réalité… à côté de quoi rien ne compte » Virginia Woolf.
Lettre du 3 septembre 2019
« L’intensité trouve au cœur des textes courts la veine dure de son existence. C’est aussi ce qui est et fait la force de la poésie – même si le développement, le lyrisme peut nous faire palpiter. »
Lettre du 4 décembre2019
« Trop descriptif, trop explicatif, trop de rien, d’inutile. Faut-il repartir à zéro ? Je sais qu’essayer le raccommodage ne marche pas. Quand c’est raté, rien ne sert de reprendre, la muse n’étant pas là, mieux vaut tourner la page. Trouver une autre voie et même voie. »
Lettre du 18 novembre 2019
« J’aime ce degré de conscience qui amène au jugement et fait mettre sur sa propre production une appréciation sincère, à peine aveuglée (car on l’est toujours un peu) et oblige à maintenir cette distance avec ce que l’on écrit. Mais à ce stade on n’y parvient qu’avec le temps… Je crois que la lecture abondante n’y est pas étrangère. Le regard s’y aiguise. »
Lettre du 12 janvier 2020
« Je voudrais encore un peu dire – forcée dans ce sentiment d’urgence – Ce qui vient aux lèvres n’est pas forcément ce qu’on voudrait et attendre risque de tout faner. C’est tellement dilué déjà tellement clignotant qu’on se dit parfois qu’il faudrait laisser la vie à son point de silence. Et puis non ! On reprend. »
Lettre du 10 juillet 2020
Contribution pour Radio France à la demande de Jean Morzadec
« Tenter de démasquer ce que cachent les grandes et petites mystifications du temps. Oublier les ailleurs périssables de la mémoire. Pourtant, patiemment étayer la vie d’un lointain tout proche. « Dans l’eau du temps qui parle à petits mots » (Norge) prendre terre, prendre parole, à l’aventure, à l’aveuglette, jetant les petits cailloux-poèmes, qu’ils donnent équilibre au chemin de terre meuble pris de broussaille, de bégaiement, effacé chaque jour, mais pas totalement, pas éternellement. Ici, rêvant d’un état de grâce, entre désir et doute, dans l’ombre des friches de sa propre histoire quelqu’un attend ».
29 février 2002
Publié dans Les cahiers Froissart N°90
« La poésie c’est aussi le choix, la multiplicité dans les perspectives, elle est aussi la liberté… Mais, on n’imposera jamais l’énigme et la beauté du poème. C’est à chacun d’y ouvrir son chemin… »
Marie-Christiane Raygot a aussi accordé un entretien à Filigranes
Cursv Marie Christiane Raygot n°28@
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Le 7 septembre 2013
nous avons accompagné Odette Neumayer,
co-fondatrice en 1984 de Filigranes
dans sa dernière demeure
au coeur de la campagne aubagnaise,
au milieu des pins
du cimetière de Fenestrelles
Nous l’avons fait, les uns par la pensée,
les autres, ceux qui habitent en Provence,
en venant lui rendre hommage, lui dire un mot,
lui témoigner de notre très grande tristesse.
Odette se savait atteinte d’une maladie sans merci,
elle s’étonnait que tant de personnes lui témoignent leur affection,
elle se voyait comme une parmi bien d’autres
oeuvrant pour un monde plus juste,
pour une école qui émancipe,
pour une écriture qui honore les femmes et les hommes
dans leur vie et leur histoire. Ni plus, ni moins.
Odette avait la conviction qu’il faut soutenir ceux qui savent que les échanges,
la création, le partage sont porteurs d’avenir.
C’est à cette source qu’elle puisait son infatigable énergie,
sa ténacité, son enthousiasme communicatif.
C’est cette source qui irrigue et irriguera longtemps encore… Filigranes.
À présent notre travail de deuil commence et notre peine est profonde.
Filigranes
Les enfants d’Odette, ses frères et sa soeur, ses petits-enfants
Michel, son compagnon
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Quelque part
Ailleurs
Loin d’ici
Près de nous
Dans ce pays d’or et de paroles cisélées
Qu’on dit amitié
Notre couvert est mis
Tes hôtes s’assoient un à un
À tes côtés
Le cristal des verres guette impatient
L’envol du partage
Christian Alix (octobre 2013)
Je suis partie avec Ithaque(1)
Pour te le lire
Là-bas, les pieds dans l’eau
Mais cela ne convenait pas
Alors, j’ai mis Ithaque
Dans ma poche
Jusqu’à trouver l’endroit
Le ciel, la mer
En hauteur, dans ce bleu immense
Une petite chapelle blanche
La clé est sur la porte
Dedans, J’allume une bougie
Dedans, je trouve de l’encens
Dehors, je fais un nid de pierre
J’allume l’encens dedans
Et je te lis Ithaque
Et je t’entends me le lire
Je reste longtemps là
Avec toi
Tu es quelque part par là
Dans les petites cyclades
Ton bateau est arrivé
Le linge sèche
Aujourd’hui, j’ai repeint ta maison
Je t’aime énormément
Karyne
(1) « Quand tu partiras pour Ithaque »
Poème de Constanin Cavafy
Traduction Marguerite Yourcenar
« Mourir pour renaître à mon nouvel état »
disais-tu il y a un an dans un texte de la revue
Passer d’une forme à l’autre, d’une Présence à l’autre
Depuis longtemps, tu savais…
Mais on ne voulait pas vraiment entendre
C’était trop bien de te voir animer les séminaires – côte à côte avec Michel –
Alternativement souriante et impérative sur les horaires, à l’écoute et poursuivant ta pensée
Impossible d’imaginer l’absence
Muter
« Métaphores » que tout cela, voulions nous croire…
La tentation de l’écart : c’est le danger de l’écriture – et aussi sa force d’éternité
Redoubler le sens – persévérer dans son être
Si le corps n’est plus là, quelle autre infinie Présence ?
Si ce n’est cette obstination à poursuivre l’élan,
ton regard continué dans le désir d’écriture et de collectif, dans les gestes de Paix
Ne pas renoncer
Même allongée et pâle sur une chaise longue devenue lit d’hôpital aux Espillières en juin dernier
La dernière image – le dernier message
Le dernier battement d’aile
qui longtemps encore vibrera en ouragan dans nos cœurs
de se recueillir
à la lisière de l’été
et de faire émerger l’émotion
Parier sur la vie
En soi tout ici et là
Comme si
encore une fois
frémir avec
une parole à entendre
la chaleur d’une étreinte
Les tiennes
Yeux clos
Dévider ses larmes
Pour palper ton sourire
Le soleil souffle sur la peau. Les rayons jouent à la brise soyeuse.
Les jeunes arbres ébouriffent notre peine et courent les collines.
Il est temps
de recueillir
En ce matin de presqu’automne
La gourmandise des mots
Le miel de la pensée
Le parti pris du don
Le partage des tourments de l’Histoire
Les faiblesses apprivoisées
Les colères ajustées
La confiance fondée
L’exigence de tes soifs
jamais étanchées
La porte est fermée, que faire ?
Qui dira la spiritualité du platane recueillant toute voix pour l’adresser au monde,
de ses branches dressées ? Les mots prennent leur envol :
puissent-ils ensemencer la terre de tes vibrations.
La porte est fermée, que faire ?
Sans ailes encore
et comptable
De toutes tes richesses
de chaque os à ronger de mon jardin
de chaque pierre échouée à réchauffer
Du charivari universel
et des grands charrois de la besogneuse fourmi
Je demeure
Ne plus cueillir les fleurs
Semer pour les papillons
Célébration de ta présence et de toutes les fenêtres que tu as ouvertes :
le vent facétieux entremêle nos palabres comme guirlandes de paix.
Une lumière l’accompagne, généreuse comme tes élans.
m d’amore
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