Après les labours d’Humus, les souffles et les élans forts ou fragiles du Chêne et du Roseau, Filigranes achève son chemin végétal dans La Forêt des songes.
Dans aucun numéro de ce triptyque les arbres et leur charge de vie, de sens, et d’énergie ne sont absents ; mais dans la futaie de textes de celui-ci, ils déploient tous les sens, sensualité, sensibilité, significations, assument bien des enjeux pour ceux qui, les regardant, les voient, et les aiment, s’irritent des misères que nos choix trop souvent leur infligent ; ceux qui, envers et contre tout, en nourrissent leurs sèves et leurs rêves d’humains au monde, y trouvent des lignes de vie, de force, et de création.
Au fil des pages de ce numéro, la forêt nous hante, nous enchante, nous emmène, loin du réel cru des villes, sur les pas des conteurs, et nous croisons Alice, un petit poucet, un ogre, Merlin et Viviane, un banyan griot pour la liberté, et d’autres ; alors, nous ne craignons plus les sorcières ; dans un pli du temps, nez en l’air, on croise des anges en peau de ciel et des ballons espions dégonflés par un rêve de berger. Et, portés par les cimes vertes et les bras orants des arbres, nous nous approchons parfois des morts aimés, ou du soleil.
Dans Cursives, Luc Blaison, guide ONF entre autres casquettes, nous remet les pieds sur terre, à travers le soin qu’il lui importe de donner aux forêts, à travers son histoire à lui avec les arbres, qui l’ont fait un peu griot aussi.
Mais la forêt, et nos songes aussi, nous mettent en face de nos labyrinthes, de nos impasses, de l’obscurité des nuits dangereuses. La violence du monde nous force à débroussailler la vie, parfois à la machette des mots, si l’on veut planter un peu d’humain, comme un drapeau d’apatride, parmi des arbres plus vieux que nos souvenirs sur la planète terre de douleurs.
On cherche avec les poètes des êtres disparus parmi les bouleaux, les érables, les pins, on pleure nos racines rompues, thrène en contrepoint des forêts qui se défont. La bonne nouvelle, c’est qu’elles se refont aussi, comme elles trouvent bon, même si dans longtemps, à leur rythme, nous dit aussi Luc Blaison.
Alors, quand nous feuilletterons ce Filigranes au papier tout simple, nous donnerons quelques pensées aux feuillaisons arrêtées qui font la pâte de toutes ces pages ; grâce à elles, quand nous refermerons ce numéro, les songes des uns-unes, les pensées des autres, tous nos mots se seront encrés, se seront parlé, auront donné à nos mondes intérieurs bien des couleurs, symbiose de racines et de branches comme dans les forêts.
Laure-Anne Fillias-Bensussan (juillet 2023)
Jean-Charles Paillet, Naissance entre les branches
Jeannine Anzian, Merlin
Jean-Jacques Maredi, Merveilles désenchantées
Chantal G. Blanc, Entre ciel et terre
Danielle Giboulet, Sous le banyan
Laure-Anne Fillias-Bensussan, La forêt de Birnam et autres contes
Gislaine Ariey, Sans titre
Arlette Anave, Planète de rêve
Marie-Christiane Raygot, Glissement du songe
La forêt comme espace initiatique Entretien avec Luc Blaison
Cursives est partie à la rencontre de Luc Blaison, qui travaille à l’ONF depuis 1992. C’est l’occasion pour nous de questionner dans ce numéro le mystère de l’arbre, objet d’exploitation pour la ressource en énergie qu’il apporte, objet d’interrogation comme possible solution face aux enjeux climatiques et aussi d’exploration spirituelle pour qui le voit comme sacré. Grâce à son cheminement, Luc se trouve aujourd’hui à la croisée de ces questions : il est l’héritier d’une longue histoire de la forêt française dont il assure la conservation ; participant à des projets de recherches sur la forêt d’aujourd’hui, en vue de se mettre au service de la forêt de demain, il est ainsi plongé au cœur de l’actualité. Il nous propose d’entrer dans son expérience de technicien, de scientifique et d’explorateur, qui s’est construite de manière parallèle à son chemin de vie et l’a finalement façonné.
Dany Schinzel, Plante les mots
Jacqueline L’Hévéder, Forêts paisibles
Michèle Monte, Ceci est un conte
Danielle Querol-Bonhomme, Lisières…
Michel Neumayer, Bas de casse
Chantal Arakel, Chimères
Anne-Marie Suire, La Poésie, le Monde.
Annie Skrhak, Dans la forêt lointaine
Olivier Blache, Dialogue avec l’Ange
Marie-Noëlle Hopital, Pâte feuilletée
Christine Ly, Parfois je m’amuse avec le ciel
Teresa Assude, Face à face
Christophe Forgeot, Chant des forêts
Anne-Claude Simon-Thevand, Plume chimérique
Oriane Barbey, Notre génie des bois
Anne-Marie Zucchelli, Forêts
Sylvie Mellet, Calligraphie hivernale
Xavier Lainé, Naïade entre les mots
Photographies : Anne-Claude Simon-Thevand, p. 15, 31, 45
Illustration de couverture : Anne-Claude Simon-Thevand
Maquette : Gislaine Ariey
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Nous poursuivons ici le cycle « Végétal ».
L’eau et la terre entretiennent avec la pousse infinie de la vie des arbres des rapports d’amour/haine. Dans ce numéro 112 de Filigranes nous choisissons l’élégie et notre appréhension de la fable de La Fontaine réserve des surprises au lecteur. Celui-ci est appelé à s’identifier aux personnages que La Fontaine a campés pour illustrer un paradoxe : « C’est le plus fort qui est le plus fragile », opposant faiblesse et puissance dans un de ses dialogues ordinaires où il affronte la cour de Louis XIV. La logique serrée de la fable a peut-être éloigné les auteurs. Ont-ils préféré prendre des chemins de traverse plutôt qu’affronter le dénouement qui condamne le chêne à périr ?
Ils deviennent ici spectateurs de la nature, se cachent dans les arbres, partagent la vieillesse et la finitude, s’émeuvent du destin qui attend le chêne malgré́ la majesté de son feuillage. Ils se cachent dans ses bras maternels, s’identifient au dieu totémique paternel. Survivent dans ce temps qu’ils espèrent immobile. Ils projettent dans l’écorce, dans les noyaux, dans les pépins, le renouvellement, la fertilité́, la revanche de la vie sur la mort. La sève peut donner l’encre, le calame et la plume l’outil.L’écriture se dessine, en ombre et lumière, dans la profusion de la forêt, et même sur les façades des villes. Plutôt qu’une opposition du plus fort au plus faible on a des épousailles. Le dialogue négocie le miroir, la main devient verte et la fleur survit au béton.
On arrose toute cette beauté, on renifle son odeur, on la goute, on apprend des saisons qu’elle peut, comme nous, disparaitre. Souplesse et stabilité font plutôt bon ménage puisque tenir droit vous expose à la mort. Comme si la tempête éclatait le végétal pour lui donner la forme de nos rêves. Comme si sa naïveté nous protégeait d’une puissance meurtrière. Rester debout ne donne aucune garantie.
(Édito Arlette Anave)
Sommaire
Fragiles ?
Teresa Assude,Traversés par le vent
Thierry Hamy, Les copeaux de l’être
Jacqueline L’Hévéder, Impressions, ciel gris
Agnès Petit, Poussée vespérale
Antoine Durin, Le chêne, le roseau et les gens de la fontaine
Arlette Anave, Une page à soi
Olivier Blache, Sous l’ombre du vieux chêne
Fables
Jeannine Anziani Le grand Pin et la Cigale
Xavier Lainé Où je deviens chêne
Annie Christau Amandier
Chantal Arakel Le refuge de Doucin
Anne-Claude Simon-Thevand Voilà qui je suis
Chantal Blanc Le chêne et le brin d’herbe
Gislaine Ariey La pomme de terre
Marie-Christiane Raygot Une espèce de concordance
Bernard Bienaimé Entre deux morts & Si j’avais un arbre
Cursives
Entretien avec Michèle Monte, Chemins vers le poème
Version longue pour le site Entretien Michele MONTE -15-02-2023
(Merci de citer ce texte avec la référence http://filigraneslarevue.fr/2023/06/15/n112-le-chene-et…getal-vol-2-2023/
Le regard de Thierry Hamy, calligraphe, Une « mauvaise herbe » et un « parasite »
Grains de temps
Jean-Jacques Maredi, In deserto mundi
Laure-Anne Fillias-Bensussan, Débris de vert
Dominique Hébert, Humus
Anne Barbusse, Avril plein
Michèle Monte, Entrez dans la ronde
Marie-Noëlle Hôpital, Vertes lianes et blancs rubans
Claude Ollive, L’arbre
Michel Neumayer, Déjeuner de couleurs
Anne-Marie Suire, L’arbre-momie
Calligraphies, Thierry Hamy
Illustration, Thierry Hamy, couverture
Maquette, Gislaine Ariey
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Nous ouvrons notre cycle « végétal » avec un numéro « humus ».
Ce mot fleure bon les sous-bois humides, où les champignons poussent leurs têtes parmi les feuilles mortes en lente décomposition. Et c’est bien notre rapport à la terre nourricière que plusieurs textes viennent interroger : il s’agit, par l’écriture, de tisser des lie ns avec tous ces insectes, ces bactéries, ces micro-organismes qui ont transformé les roches en un sol nourrissant (1), accueillant aux graines et aux spores, il s’agit aussi de s’inquiéter des actions humaines qui mettent à mal ces processus complexes d’échange et de transformation.
Avec ce numéro, nous nous redécouvrons comme terriens, tirés du sol 2, et nourris par ce qui y pousse et que nous cueillons ou cultivons. Mais cette terre maternelle n’en demeure pas moins mystérieuse puisqu’elle est matière hors langage et qu’il faudra tout notre travail d’écriture pour la mettre en mots, la rapprocher de nous tout en préservant sa spécificité.
Certains apprennent à son école la patience de la germination, et, le regard posé sur le sol ou les herbes, s’émerveillent du dépliement des jeunes feuilles, de l’éclosion des plus humbles fleurs. D’autres, levant les yeux au ciel, se découvrent frères et sœurs des arbres.
De l’humus à l’humain, il n’y a qu’une syllabe d’écart, et cette plongée dans le sol, autant qu’elle nous confronte à notre mortalité, ravive la question de nos racines, de ces éléments fondateurs qui ont permis notre croissance et notre maturation.
Contemplant le végétal, nous consentons à la lenteur, et, alors que notre vie nous emporte vers une fin inéluctable, nous cherchons à entrer dans l’intelligence des cycles, des élans et des déclins qui se succèdent et recommencent. Peut-être y a-t-il en nous une Perséphone 3 qui s’ignore et voudrait quelques semaines par an pouvoir hiberner, se cacher dans les plis de la terre pour y reprendre des forces, se recentrer sur ce souffle irréductible qui nous anime notre vie durant et que nous laissons s’épuiser à tous les vents qui nous malmènent ?
Mais nos textes prennent aussi racine dans les langues, les poèmes et récits qui nous ont accompagnés depuis notre venue au monde. La terre, la langue, deux milieux nourriciers ; de les penser ensemble, la langue devient une ressource et une matrice d’où notre parole peut s’élancer, la terre se met à bruire de tous les mots et mythes qui cherchent à en dire tour à tour la puissance et la fragilité.
Et toi, lecteur, lectrice, va ton chemin, butine de texte en texte, laisse-toi prendre par les voix qui s’y répondent sous la mousse, par l’ombre et le soleil qui y jouent entre les feuilles, par les réponses balbutiées et les questions toujours ouvertes.
Michèle Monte
1 Marc-André Selosse, L’origine du monde, une histoire du sol à l’intention de ceux qui le piétinent (Actes sud, 2021).
2 Dans la Genèse, l’auteur rapproche le nom commun adam de adama, « la terre », comme si adam voulait dire « le terreux », mais en réalité, du point de vue linguistique, c’est adama qui vient de adam, l’adama est le lieu qu’habitent les adams.
3 Dans la mythologie grecque, Perséphone, fille de Déméter, la déesse des récoltes, est enlevée par Hadès, le dieu du monde souterrain, qui l’épouse, mais sa mère menace de faire périr toute la végétation si Perséphone ne lui est pas rendue. Zeus arbitre en disant que Perséphone passera quatre mois sous terre avec son époux et huit avec sa mère.
Sommaire
Michèle Monte, Éditorial 3
Pétris de terre
Chantal G. Blanc, Je voudrais être un arbre 5
Agnès Petit, Imprégnation 6
Anne Barbusse, Germination des mondes 8
Jeannine Anziani, Sans Hâte 10
Gislaine Ariey, Souviens-toi 12
Chantal Arakel, Entre deux rives 13
Charme(s)
Marie-Noëlle Hopital, Saule pleureur 14
Christine Ly, Nature Souterrienne 15
Sylvie Mellet, Crocus 16
Marie-Christiane Raygot, Terra nostra 18
Xavier Lainé, Plume trempée au sang de la terre
Cursives
Quarante ans ou presque d’une revue d’écritures
Un témoignage de Michel Neumayer 24
Lire Cursives en PDF
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Sites et liens 33
Ronde du temps
Olivier Blache, Dans la brume du matin 35
Laure-Anne Fillias-Bensussan, S.P.I.S. 36
Michel Neumayer, Partage des eaux 38
Arlette Anave, Lange drapeau 40
Annie Christau, Terre 43
Teresa Assude, Humbles brumes 44
Paul Fenoult, Noirceurs 45
Anne-Marie Suire, Emprunts 46
Jacqueline L’Hévéder, Morte saison 49 *
Michèle Monte, À l’insu 50
Georges Xuereb, Écrire à haute voix 52
Photos
Monique D’Amore 23, 42
Olivier Blache 22
Teresa Assude, couverture et 34
Odette Neumayer 48
Suite à une erreur de mise en page,
voici le texte intégral de Jacqueline L’HEVEDER
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