La chanson, un art de la concision… – Entretien avec Christian Alix


Cet entretien est paru dans
Filigranes n°52
« Et pourtant elle chante » Avril 2002
 

Dans ce numéro, nous avons rendez-vous avec Christian Alix, chercheur en éducation à l’Institut allemand de recherche pédagogique (D.I.P.F., Francfort – RFA) et auteur compositeur interprète. Christian Alix écrit les textes et compose les musiques de ses propres chansons mais écrit aussi des poèmes et des histoires pour enfants. Il évoque dans cet entretien une expérience singulière, celle d’auteur compositeur interprète.

 

Des chansons et des partitions

FILIGRANES : Quand as-tu le sentiment d’être entré en écriture et en chanson ?

Christian Alix : J’ai depuis toujours eu envie d’écrire des chansons et de la musique. Je suis, tombé dans la chanson et la musique – comme Obélix dans sa potion magique ! – très tôt. Ma mère chantait pour « chasser le diable qui rôdait » comme le dit Félix Leclerc. Mon père, lui, adorait danser. Mon rapport à la musique vient de là.
Vous savez comment ça se passait avant. Il y avait les disques 78 tours – mes parents n’avaient toutefois pas de « tourne-disque », mais surtout, on écoutait les chansons à la TSF, au poste, à la radio. C’était une tradition orale, du bouche à oreille Ce n’est pas innocent si on ne retenait que des bribes. On fredonnait, on sifflait et on répétait le refrain et un bout de couplet. Les chansons sont faites pour cela. En général on en restait là, sauf à acheter la partition et à l’apprendre par cœur.
Ma mère avait une qualité très précieuse à une époque où on n’avait pas les moyens d’enregistrer les chansons. Ayant exercé le métier de secrétaire, elle savait très bien sténographier. Elle notait donc très vite les textes des chansons qui passaient à la radio et les retranscrivait après ! Mes premières expériences d’écriture sont inscrites dans ce registre familial. Ce que je fais maintenant, moi, en écrivant mes propres chansons : quelques bribes vite notées sur un bout de papier… D’ailleurs, à une époque que je n’ai pas connue personnellement mais dont il était beaucoup question dans les récits de mes parents et des adultes, on apprenait en écoutant ce qui se chantait dans les rues ou dans les cours : un chanteur ou une chanteuse chantait et vendait ensuite la partition …
Dans la famille on chantait à chaque grande occasion. Mon oncle sortait sa pile de partitions et on faisait le tour de table et chacun « poussait » sa chanson, mon oncle servant le cas échéant de souffleur ! Cela allait de En revenant de la rue  à Nuit de Chine en passant par Le temps des cerises, Tino Rossi et Charles Trenet. Tout y passait !
Aujourd’hui encore, j’adore acheter des partitions. Plus peut-être que des livres qui n’existaient pas chez mes parents. Je me souviens très bien de la première fois où ma mère en a acheté une, à ma sœur et à moi : c’était au mariage d’une cousine en 1957 (J’avais ans 10 ans et ma sœur 4). Il s’agissait de Gondolier (la grande vogue des chansons italiennes !) et de Marjolaine de Francis Lemarque.

FILIGRANES : Dans quel répertoire de chansons as-tu grandi ?

Christian Alix : Dans quatre grands registres : en tant qu’enfant dans les chansons enfantines et folkloriques, par ma mère d’abord, mais aussi par l’école et surtout le patronage et les colonies de vacances. Ensuite par la radio et ma famille, le registre de la chanson populaire et de la variété de 1925 à 1960 (De Paul Delmet, Tino Rossi à Gloria Lasso, Georges Ulmer, etc.) Ensuite avec « Salut les copains », la radio des jeunes à partir de 1960, le rock et la musique nord-américaine du milieu des années 50 (Elvis Presley, Eddy Cochrane, Ray Charles). Et enfin, à partir de mon entrée en seconde en 1963 et de mon inscription á la bibliothèque municipale de Créteil et á la discothèque de Paris, la chanson dite « rive gauche » ou poétique ou d’expression. C’est là que j’ai connu les grands chanteurs (Brassens, Brel, Ferré, Leclerc mais aussi et surtout Jacques Douai). J’ai acheté ensuite un tourne-disque et mon premier 45 tours (Jean Ferrat, La montagne) le 23 décembre 1965 – c’est marqué dessus ! C’était donc un répertoire très composite et une trajectoire caractéristique du type de celle de bien des chanteurs de cette époque.

 

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Christian Alix n°52

 

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mis en musique par Christian Alix